Sa conscience et sa chair tendent leurs forces mais ne peuvent se rejoindre. Elle sent bien que son corps l’habite en étranger. Elle flaire cet intrus, tente d’en reconnaître la main, le bras, l’épaule, puis remonte jusqu’au visage. Est-elle encore quelqu’un d’entier ? Elle mord l’aqueux, tâtonne dans l’obscur entre le creux et le plein.
Certains de ses pieds dessus et d’autres continuant leur chemin par dessous. Rien ne l’arrête sinon l’entêtante rumeur de la brise qui balaye ses joues. Bientôt, sa face est lisse comme un œuf. Elle pourrait enfin ne penser plus rien. Mais supporter son naufrage la rend nerveuse : elle en situe sur une carte le lieu et l’heure.
Et même si un marin annonce joyeux “Terre ! Terre !” , elle fixe à jamais les vagues pour en savourer le nectar.
jean-paul gavard-perret
Photo Alexander Liberman