Adam le venimeux et les exercices de latrine-ité
Ce livre de condescendance amusée est tatoué d’une misogynie certaine et crasse, notamment pour toutes les femmes qui ont notoirement fait bouger les lignes de la littérature et ce, qu’elles soient appréciées ou non. Cixous, Kristeva, et une certaine Marguerite en prennent pour leur grade mais ce ne sont pas les seules.
Comme aurait dit l’une d’elle” Détruire” est facile. Et lorsqu’il conviendrait de se fendre d’une analyse pertinente d’auteures majeures mais méconnues que Pichon a toutefois le mérite de connaître, le compliment est expédié. La défense de Jeanne Hyvrard est par exemple exécutée en une page et l’analyse se limite au collage de trois citations pour tout cirage de pompes .
La science de la littérature féminine se veut ici un retour au “vé-cul” et c’est bien là le problème. L’auteur joue sous tous les ressors faciles du lit misogyne et ses sauts grenus. La moindre louange est toujours grevée de sous-entendus plus ou moins lourdingues du type “rien de nouveau sous les Tampax” à propos de l’une de ses autrices à exécuter d’office.
L’auteur, sous forme de pseudo indulgence, induit que la proportion des imbéciles serait plus importante dans la littérature féminine que dans celle des barbus. Et ce n’est pas sans animosité que l’atrabilaire constate que des femmes ont même gagné beaucoup d’argent avec leurs livres. Et d’ajouter, perfide, que l’argent même sale mène à tout sauf à devenir écrivain.
Le critique cultive ici à une hargne maladive et ne supporte pas la lutte des sexes qu’il mène pourtant au profit du sien. Libres-penseuses et libres-baiseuses lui restent dans la gorge ou le penne-à-jouir. Pour lui, là où il y a de la femme en littérature n’existent souvent que “de serviles falsifications de la production déconstructiviste américaine et ses séries sans qualité. Sans intérêt documentaire net mais au dividende sodomique évident”. C’est un peu rapide, facile et affligeant.
En effet, si ce n’est pas avec des bon sentiments que se mitonne la bonne littérature, l’aigreur jalouse n’est pas meilleure conseillère. L’engouement obsessionnel phallique plante et enfonce un tel livre là où, à part déverser sa bile et se payer de bons maux, l’auteur n’a pas grand chose à dire.
C’est d’ailleurs là sa poétique : on lui accorde donc et en conséquence total respect sur ce point. Le satirique n’est qu’un satyre fiérot qui, sous le manteau où son corps niche, veut apprendre aux autrices que les noms dupèrent comment “ça jouit”, si l’on en croit un tel las camp gourd houx qui exploite la faconde masculine au plus bas niveau littéraire.
En conséquence, celui qui aime les post-rectum veut bourrer ici le cul de fausses communes. Mais son goût bon littéraire devient le colombin nauséeux que les colombines savent tenir loin d’elles. Il vaut mieux en effet le parfum d’une petite robe de bal que l’odeur anale étique d’un barbouze de chez Fior.
Histoire en plus de rappeler que nul ne peut jouir de qui en saigne comme un cochon sous prétextes d’apprendre ce qu’est la littérature féminine. A savoir, si l’on en croit Pichon, pas même celle de roman de garces mais histoire d’O de toilette pour homme qui eux-mêmes écrivent parfois derrière certaines lunettes et dont la langue se déroule sur un papier triple épaisseur.
Artaud d’ailleurs le savait : “là où ça sent la merde ça sent l’homme”. Et au milieu des foirades mâlignes, ne sont pas Marguerite qui veut, ni même une Nobrak. Quant à l’auteur à qui nez en moins l’humour est une seconde natures, ces rubriques vaginales sont autant de bric que de broc ligne (N-Y, USA).
jean-paul gavard-perret
Philippe Pichon, Pourquoi la littérature [du vagin] respire mal (Les daltoniennes de l’écriture inclusive)”, Editions du Verbe Haut, octobre, 2023, 192 p, — 20,00 €.
Quelle charge ! Pour être honnête, j’ai justement acheté ce livre en réaction à votre autre chronique déjà pas piquée des hannetons (sur le site “Critiques Libres”) pour en vérifier le bien-fondé car je me suis intuitivement persuadée qu’un sale type comme vous décrivez l’auteur, ne pouvait (encore) exister en 2023. Et grand bien m’en a pris, car votre papier ne correspond en rien à la réalité du texte de Pichon. Etes-vous en service commandé ?
L’expression “littérature féminine” désigne, selon Pichon, un “concept” qui institutionnalise en lui-même la différence comme infériorité, et qui se définit comme une littérature du manque et de l’excès : manque d’imagination (roman du vécu, récit de soi), de logique, d’objectivité, de “pensée métaphysique”, de composition, de perfection formelle, de style, et excès de facilité, de facticité, de mots, de phrases, de mièvrerie, de sentimentalité, de désir de plaire, de ton moralisateur et de narcissisme. A l’inverse, il montre parfaitement (selon moi) comment Colette constate les inégalités entre les femmes et les hommes sans tomber dans ce travers; comment Renée Vivien revendique une différence femmes-hommes et met en avant les œuvres féminines en littérature, avec style et panache, bien mieux que leurs contemporaines (là je vous rejoins, Pichon fait une fixette sur la grande Annie Ernaux).
Toujours selon Pichon “littérature féminine” comporte trois sens (en littérature) :
1. une littérature écrite généralement par des femmes pour des femmes, ce seul critère est ainsi genré (c’est là “la thèse” de son bouquin : une “bonne” littérature n’est pas “genrée” — et, femme-lectrice, je partage son point de vue);
2. la littérature est vue comme stéréotypée. Péjorativement des lectures majoritairement destinées aux petites filles à l’eau de rose dans lesquelles des stéréotypes sont véhiculés (là encore son propos est documenté);
3. la part d’une littérature jugée bien-pensante par opposition à celle des femmes qui pensent .
C’est, après tout, son droit de préférer Sagan à Duras, Yourcenar à de Beauvoir. Et le vôtre de mettre Sollers et les telqueliens, Denis Roche et les gens de TXT sur un pied d’estale (je vous lis !).
Pour faire court et être malhonnête comme vous l’êtes avec ce bouquin de Pichon , on pourrait vous reprocher d’aimer les expérimentations excrémentielles en littérature. (C’est régulièrement que je vous lis!)
J’ai regardé dans vos chroniques, et là, j’ai découvert que vous aviez aimé deux autres bouquins de Pichon ! Je laisse la poésie de côté, mais, du coup, j’ai commandé sur le Net son récit (“Un ami de haut bord”) paru chez un autre éditeur : peut-être vais-je détester tellement votre goût littéraire me parait (désormais) très orienté ! ah ah ah!
En surfant sur la toile, je m’aperçois que Pichon a une œuvre derrière lui ! — à laquelle vous ne faites pas référence… j’imagine qu’entre écrivains c’est de bonne guerre.
En fouillant encore un peu, je lis qu’il a été policier, alors cela éclaire votre chronique haineuse (je me suis demandée pourquoi vous parliez de “barbouze” ?); j’ai donc compris : pour vous, flic = facho = illettré = buveur noceur = anti-femmes. CQFD sous votre plume.
Vous avez tort, il faut lire ce livre !
(je vous dirai ce que je pense des autres livres de Pichon)
Virginie
Je dois vous avouer que je me sui amusé dans ma critique du livre de Pichon. Un peu beaucoup pour le plaisir.
Une certaine mauvaise foi de ma part, voire une mauvaise foi certaine.
Pichon n’est pas rien.
Et sa défense par vos soins est brillante.
Mon amitié chère Christelle.
JPGP