Philippe Pichon, Pourquoi la littérature [du vagin] respire mal (Les daltoniennes de l’écriture inclusive)

Adam le veni­meux et les exer­cices de latrine-ité

Ce livre de condes­cen­dance amu­sée est tatoué d’une miso­gy­nie cer­taine et crasse, notam­ment pour toutes les femmes qui ont notoi­re­ment fait bou­ger les lignes de la lit­té­ra­ture et ce, qu’elles soient appré­ciées ou non. Cixous, Kris­teva, et une cer­taine Mar­gue­rite en prennent pour leur grade mais ce ne sont pas les seules.
Comme aurait dit l’une d’elle” Détruire” est facile. Et lorsqu’il convien­drait de se fendre d’une ana­lyse per­ti­nente d’auteures majeures mais mécon­nues que Pichon a tou­te­fois le mérite de connaître, le com­pli­ment est expé­dié. La défense de Jeanne Hyvrard est par exemple exé­cu­tée en une page et l’analyse se limite au col­lage de trois cita­tions pour tout cirage de pompes .

La science de la lit­té­ra­ture fémi­nine se veut ici un retour au “vé-cul” et c’est bien là le pro­blème. L’auteur joue sous tous les res­sors faciles du lit miso­gyne et ses sauts gre­nus. La moindre louange est tou­jours gre­vée de sous-entendus plus ou moins lour­dingues du type “rien de nou­veau sous les Tam­pax” à pro­pos de l’une de ses autrices à exé­cu­ter d’office.
L’auteur, sous forme de pseudo indul­gence, induit que la pro­por­tion des imbé­ciles serait plus impor­tante dans la lit­té­ra­ture fémi­nine que dans celle des bar­bus. Et ce n’est pas sans ani­mo­sité que l’atrabilaire constate que des femmes ont même gagné beau­coup d’argent avec leurs livres. Et d’ajouter, per­fide, que l’argent même sale  mène à tout sauf à deve­nir écrivain.

Le cri­tique cultive ici à une hargne mala­dive et ne sup­porte pas la lutte des sexes qu’il mène pour­tant au pro­fit du sien. Libres-penseuses et libres-baiseuses lui res­tent dans la gorge ou le penne-à-jouir.  Pour lui, là  où il y a de la femme en lit­té­ra­ture n’existent sou­vent que “de ser­viles fal­si­fi­ca­tions de la pro­duc­tion décons­truc­ti­viste amé­ri­caine et ses séries sans qua­lité. Sans inté­rêt docu­men­taire net mais au divi­dende sodo­mique évident”. C’est un peu rapide, facile et affli­geant.
En effet, si ce n’est pas avec des bon sen­ti­ments que se mitonne la bonne lit­té­ra­ture, l’aigreur jalouse n’est pas meilleure conseillère. L’engouement obses­sion­nel phal­lique plante et enfonce un tel livre là où, à part déver­ser sa bile et se payer de bons maux, l’auteur n’a pas grand chose à dire.

C’est d’ailleurs là sa poé­tique : on lui accorde donc et en consé­quence total res­pect sur ce point. Le sati­rique n’est qu’un satyre fié­rot qui, sous le man­teau où son corps niche, veut apprendre aux autrices que les noms dupèrent com­ment “ça jouit”, si l’on en croit un tel las camp gourd houx qui exploite la faconde mas­cu­line au plus bas niveau lit­té­raire.
En consé­quence, celui qui aime les post-rectum veut bour­rer ici le cul de fausses com­munes. Mais son goût bon lit­té­raire devient le colom­bin nau­séeux que les colom­bines savent tenir loin d’elles. Il vaut mieux en effet le par­fum d’une petite robe de bal que l’odeur anale étique d’un bar­bouze de chez Fior.

Histoire en plus de rap­pe­ler que nul ne peut jouir de qui en saigne comme un cochon sous pré­textes d’apprendre ce qu’est la lit­té­ra­ture fémi­nine. A savoir, si l’on en croit Pichon, pas même celle de roman de garces mais his­toire d’O de toi­lette pour homme qui eux-mêmes écrivent par­fois der­rière cer­taines lunettes et dont la langue se déroule sur un papier triple épais­seur.
Artaud d’ailleurs le savait : “là où ça sent la merde ça sent l’homme”. Et au milieu des foi­rades mâlignes, ne sont pas Mar­gue­rite qui veut, ni même une Nobrak. Quant à l’auteur à qui nez en moins l’humour est une seconde natures, ces rubriques vagi­nales sont autant de bric que de broc ligne (N-Y, USA).

jean-paul gavard-perret

Phi­lippe Pichon, Pour­quoi la lit­té­ra­ture [du vagin] res­pire mal (Les dal­to­niennes de l’écriture inclu­sive)”, Edi­tions du Verbe Haut, octobre, 2023, 192 p, — 20,00 €.

2 Comments

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2 Responses to Philippe Pichon, Pourquoi la littérature [du vagin] respire mal (Les daltoniennes de l’écriture inclusive)

  1. Virginie

    Quelle charge ! Pour être hon­nête, j’ai jus­te­ment acheté ce livre en réac­tion à votre autre chro­nique déjà pas piquée des han­ne­tons (sur le site “Cri­tiques Libres”) pour en véri­fier le bien-fondé car je me suis intui­ti­ve­ment per­sua­dée qu’un sale type comme vous décri­vez l’auteur, ne pou­vait (encore) exis­ter en 2023. Et grand bien m’en a pris, car votre papier ne cor­res­pond en rien à la réa­lité du texte de Pichon. Etes-vous en ser­vice commandé ?

    L’expression “lit­té­ra­ture fémi­nine” désigne, selon Pichon, un “concept” qui ins­ti­tu­tion­na­lise en lui-même la dif­fé­rence comme infé­rio­rité, et qui se défi­nit comme une lit­té­ra­ture du manque et de l’excès : manque d’imagination (roman du vécu, récit de soi), de logique, d’objectivité, de “pen­sée méta­phy­sique”, de com­po­si­tion, de per­fec­tion for­melle, de style, et excès de faci­lité, de fac­ti­cité, de mots, de phrases, de miè­vre­rie, de sen­ti­men­ta­lité, de désir de plaire, de ton mora­li­sa­teur et de nar­cis­sisme. A l’inverse, il montre par­fai­te­ment (selon moi) com­ment Colette constate les inéga­li­tés entre les femmes et les hommes sans tom­ber dans ce tra­vers; com­ment Renée Vivien reven­dique une dif­fé­rence femmes-hommes et met en avant les œuvres fémi­nines en lit­té­ra­ture, avec style et panache, bien mieux que leurs contem­po­raines (là je vous rejoins, Pichon fait une fixette sur la grande Annie Ernaux).

    Tou­jours selon Pichon “lit­té­ra­ture fémi­nine” com­porte trois sens (en lit­té­ra­ture) :
    1. une lit­té­ra­ture écrite géné­ra­le­ment par des femmes pour des femmes, ce seul cri­tère est ainsi genré (c’est là “la thèse” de son bou­quin : une “bonne” lit­té­ra­ture n’est pas “gen­rée” — et, femme-lectrice, je par­tage son point de vue);
    2. la lit­té­ra­ture est vue comme sté­réo­ty­pée. Péjo­ra­ti­ve­ment des lec­tures majo­ri­tai­re­ment des­ti­nées aux petites filles à l’eau de rose dans les­quelles des sté­réo­types sont véhi­cu­lés (là encore son pro­pos est docu­menté);
    3. la part d’une lit­té­ra­ture jugée bien-pensante par oppo­si­tion à celle des femmes qui pensent .

    C’est, après tout, son droit de pré­fé­rer Sagan à Duras, Your­ce­nar à de Beau­voir. Et le vôtre de mettre Sol­lers et les tel­que­liens, Denis Roche et les gens de TXT sur un pied d’estale (je vous lis !).
    Pour faire court et être mal­hon­nête comme vous l’êtes avec ce bou­quin de Pichon , on pour­rait vous repro­cher d’aimer les expé­ri­men­ta­tions excré­men­tielles en lit­té­ra­ture. (C’est régu­liè­re­ment que je vous lis!)

    J’ai regardé dans vos chro­niques, et là, j’ai décou­vert que vous aviez aimé deux autres bou­quins de Pichon ! Je laisse la poé­sie de côté, mais, du coup, j’ai com­mandé sur le Net son récit (“Un ami de haut bord”) paru chez un autre édi­teur : peut-être vais-je détes­ter tel­le­ment votre goût lit­té­raire me parait (désor­mais) très orienté ! ah ah ah!

    En sur­fant sur la toile, je m’aperçois que Pichon a une œuvre der­rière lui ! — à laquelle vous ne faites pas réfé­rence… j’imagine qu’entre écri­vains c’est de bonne guerre.

    En fouillant encore un peu, je lis qu’il a été poli­cier, alors cela éclaire votre chro­nique hai­neuse (je me suis deman­dée pour­quoi vous par­liez de “bar­bouze” ?); j’ai donc com­pris : pour vous, flic = facho = illet­tré = buveur noceur = anti-femmes. CQFD sous votre plume.

    Vous avez tort, il faut lire ce livre !
    (je vous dirai ce que je pense des autres livres de Pichon)

    Vir­gi­nie

  2. jean-paul 2

    Je dois vous avouer que je me sui amusé dans ma cri­tique du livre de Pichon. Un peu beau­coup pour le plai­sir.
    Une cer­taine mau­vaise foi de ma part, voire une mau­vaise foi cer­taine.
    Pichon n’est pas rien.
    Et sa défense par vos soins est brillante.
    Mon ami­tié chère Chris­telle.
    JPGP

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