De la Commune de Paris aux guerres apaches
Une introduction détaille les événements qui ont permis la découverte de ces documents, cahiers, lettres, où Francine, une jeune Française née dans les monts d’Aubrac, louée comme servante à Paris peu avant la Commune, s’est retrouvée au cœur des guerres indiennes. Subjuguée par leur contenu, Dezba Asdzàni, chercheuse aux USA décide de les publier.
Dans ces cahiers, Francine V. débute son récit dans le chaos des derniers jours de la Commune en 1871. Elle commence par sa naissance quand elle s’appelle Anceline Viala, cinquième enfant. Bouche-à-nourrir de trop, elle est placée dans une institution religieuse, puis louée comme servante à Célestin Costenave, un bougnat qui tient Aux Clochers de l’Aubrac, une gargote à Paris.
Très vite, il abuse d’elle avant de la livrer à d’autres hommes. Elle comprend vite que certains mâles ne sont pas les clients habituels des lieux et va chercher à les connaître, mais ce n’est pas sans dangers car…
Francine raconte, en remontant dans le temps, les circonstances l’ayant amenée dans cette situation et sa fuite pour les États-Unis où elle va s’impliquer à défendre la cause indienne et rencontrer Geronimo et son peuple. Elle propose ainsi, deux récits, l’un remontant dans un passé récent, l’autre décrivant son présent et ses aventures actuelles.
Dans le premier, elle détaille l’enquête menée pour dénoncer un réseau de prostitution dont elle été la victime, les dangers affrontés, les blessures reçues. Puis son action dans la Commune, les raisons de sa fuite éperdue, trouvant refuge, après une traversée épique de l’Atlantique, aux USA. C’est alors la découverte de cet immense pays, la violence du Far West, la lutte des Apaches pour leurs droits. Mais, elle a toujours la volonté de mener à terme cette enquête pour que les coupables soient punis, d’autant que…
Avec une base historique solide, Lilian Bathelot donne corps à une attachante héroïne dans la seconde moitié du XIXe siècle. Elle va faire des rencontres décisives qui vont orienter le cours de sa vie, la mener dans des lieux imprévus, faire face à des injustices dont la lutte va conditionner son existence. De fille de salle, elle devient journaliste.
Victime, elle va, grâce à ces rencontres, évoluer prendre conscience de sa possibilité de sortir de sa condition et décider de sa liberté en tant que femme. Elle va devoir défendre sa vie pour mener ses combats. Avec Francine, le romancier décrit la vie de ces jeunes personnes livrées à des prédateurs, exploitées de la plus horrible des manières. Sur ses pas, il fait vivre les vicissitudes d’une fuite, les opportunités qui peuvent s’offrir, changer de continent.
Il met alors en scène les combats menés par les autochtones contre des envahisseurs, les luttes pour garder leurs terres ancestrales et leur mode de vie. Il construit, autour de l’héroïne, une suite de personnages allant du plus loyal à la pire crapule. Et, en la matière, il propose quelques beaux spécimens dans une catégorie et dans l’autre. Il en est ainsi d’un individu qui, bien que prêchant la liberté, dénonçant les injustices, se livre sans états d’âmes à la plus abjecte des activités, la mise en esclavage des femmes.
Avec un style tonique, une écriture fluide, un vocabulaire relevé mais plaisant, Lilian Bathelot offre une histoire qui reste en mémoire pour la qualité narrative, l’originalité de la présentation, et les sujets abordés, sujets encore trop d’actualité.
serge perraud
Lilian Bathelot, Geronimo et moi, Éditions 10/18, coll. “Polar”, octobre 2023, 360 p. — 16,90 €.