Sous-titrée “Adagio maladie”, cette fiction parle sous forme très particulière de l’addiction à l’alcool jusqu’à sa guérison. Dans ce qui tient probablement d’un substrat autobiographique, celle qui est aussi chorégraphe et danseuse travaille la langue pour qu’elle épouse au plus près le corps et la pensée.
Par le corps de la langue, celle-ci devient la pensée du premier pour évoquer le dépendance, le désespoir que l’alcool provoque. Et le texte illustre aussi la force dont il faut faire preuve pour s’en sortir.
Anne Sultan se fait experte en aliénation. L’alcoolisme au féminin — sujet rarement traité — est montré tel qu’il est. Le corps semble habité par une entité étrangère, son intérieur est hanté de cette présence invisible, noire, quasi morbide.
Et l’intensité culmine dans le regard qu’Anne Sultan porte sur cet état. L’être est saisi entre présence et absence, là où l’analyse du réel se mêle une introspection intense.
Le texte condense une expérience qui fait de l’auteure une écrivaine capable de permettre l’apparition d’un lieu où “les monstres sont partout” et conduisent à des états ultimes où le corps connaît son propre “mépris” avant que la vie s’y rattache à nouveau.
jean-paul gavard-perret
Anne Sultan, Vivre avec sans, éditions des femmes — Antoinette Fouque, Paris, octobre 2023, 80 p. — 12,00 €.