Et si une catastrophe nucléaire majeure…
Le propos des auteurs est de mettre en avant l’ouverture de la Suède face aux flux de réfugiés en faisant référence à la crise migratoire de 2015. De tous les pays européens, c’est elle qui a accueilli le plus de migrants par rapport à sa population. Pour dix millions de Suédois, cent soixante-trois mille personnes ont été reçus.
C’est de cette situation qu’est née l’idée de base du présent scénario. De plus, comment, suite à un événement dramatique frappant une partie de l’Union européenne, les pays épargnés réagiraient-ils ? Et comment des personnes, jusqu’alors placées dans un certain confort, se comporteraient-elles dans une situation de crise ?
Ce 25 mai, à Mulhouse, Christophe Murrat fête son succès. Il a abandonné son métier de menuisier pour devenir restaurateur et a obtenu une première étoile. Tous les invités sont là. Il attend Sandra, son épouse. Elle lui téléphone qu’elle le quitte, que c’est fini entre eux.
À la centrale nucléaire proche, Verdier constate un gros problème, si gros que Sandra, depuis la plateforme d’où elle téléphone voit l’explosion.
À Noorsjön, en Suède, ce 13 juin, un bus arrive dans un centre géré par Abris sans frontière. Parmi les réfugiés, la famille de Christophe au complet suit les instructions, subit les tests de décontamination et se rend dans l’abri attribué, avec ce qu’on leur a distribué pour se nourrir et dormir.
C’est la découverte de la vie de réfugié, les contraintes, la promiscuité, les affrontements avec d’autres nationalités accusant les Français d’être responsables de leur situation actuelle. Les tensions s’exacerbent, les irradiés décèdent. C’est dans ce contexte que Verdier est pourchassé par des individus qui en veulent à sa vie bien que le gouvernement attribue l’explosion à un attentat suicide commis par un groupe islamiste encore inconnu.
Et la famille de Christophe va se retrouver impliquée dans ce guêpier politico-nucléaire.
Partant avec un couple en crise, le récit développe une dramaturgie autour des relations que Christophe et Sandra peuvent nouer. C’est, pour le groupe de Français, la découverte d’un univers où le libre arbitre est battu en brèche, où les conditions de vie sont sommaires. C’est aussi l’exploitation qui peut être faite de ces gens désœuvrés qui possèdent des compétences à utiliser.
Mais, parallèlement, les auteurs mettent en place une intrigue plus dangereuse avec l’introduction d’agents des Services secrets français déterminés à protéger un gros mensonge. Et le risque que courrent les personnages impliqués est très élevé.
Le dessin et la mise en couleurs sont l’œuvre de Julien Carette. Il assure un graphisme réaliste, des personnages conformes à une réalité, expressifs et parfaitement identifiables. La mise en page est de facture classique et offre une belle lisibilité. Il propose des décors qui, sans être très fouillés, donnent l’essentiel du cadre. Sa vision du cheminement des larmes sur un visage est assez particulière et innovante.
Ce premier volet du diptyque, fort intéressant, plante le cadre et installe le lecteur au cœur de la tragédie.
serge perraud
Sylvain Runberg & Olivier Truc (scénario), Julien Carette (dessin et couleurs), Les exilés de Mosseheim — t.01 : Réfugiés nucléaires, Dupuis, coll. “Grand Public”, août 2023, 88 p. — 21,95 €.