Claude Viallat dévoile chez Templon Bruxelles une vingtaine de nouvelles toiles réalisées entre 2022 et 2023. Il continue l’exploration des limites de la peinture abstraite, en déclinant un motif à l’allure d’osselet sur une large variété de tissus ou bâches, accrochés de façon libre. Mais ici un pas de plus est entamé : le motif est comme débordé par ses frontières et certains de ses éléments disjoints.
Faisant voir à partir de la toile ce qu’elle montre elle-même, Viallat déploie son acte poétique construit sur l’exécution de la répétition de motifs mais en l’élargissant. Transcendant désormais les limites du support, le peintre y introduit des formes qui s’abîment en lui afin qu’un passage ait lieu.
Une faille est donc introduite dans « l’objet – toile », sans interruption et afin que l’imaginaire porte à faux. La toile gagne alors en ouverture dans les tracés et les couleurs comme si la main du peintre les façonnait « aveuglément » pour les faire apparaître autrement.
L’artiste crée un court-circuit dans l’étendue profane et débouche vers une autre spatialité à travers un maillage. Entre le réel trivial et la poésie pure, Viallat introduit son fétiche, son simulacre. Manière de jouer avec le principe de réalité pour faire glisser en celui de plaisir par l’effet de répétition, l’effet « papier-peint ».
Un tel travail ne représente pas un simple exercice de style : c’est une manière de faire surgir une réalité plus « express ». Entre le symbolique (motif répété) et le fantastique (peinture) il offre un traitement alchimique, avénementiel. C’est sa manière à proprement parler de « mettre le paquet », de recycler et de pervertir la communication dont la peinture par son rôle est non seulement le symbole mais le vecteur.
jean-paul gavard-perret
Claude Viallat, Quelques pas de côté, Templon Bruxelles, du 7 septembre au 4 novembre 2023.