Atara l’héroïne, auprès de son père mourant, en l’assistant recueille ses propos un peu confus. Il la prénomme soudain Rachel comme sa mystérieuse première épouse et il s’adresse à elle par une vibrante déclaration d’amour.
A partir de là et le père disparu, la fille va retrouver la trace de cette femme. Evidemment âgée, elle est confrontée alors à un douloureux passé dans la lutte armée clandestine. Mais elle n’a rien oublié de ces années de résistance contre les Anglais, avant la fondation de l’État d’Israël. Elle n’a pas plus perdu le prénom Atara de celle qui aujourd’hui se présente à elle.
Mais de qui porte-t-elle ce nom ? Et c’est là que tout se joue au moment où cette rencontre bouleverse de façon inédite l’existence des deux femmes et lie leur destin.
L’auteure prouve que les vrais souvenirs vivent et parlent par en-dessous. Elle rappelle qu’aimer est un verbe dont sa narratrice ne peut dire exactement quelle valeur il faut lui donner. Le tout entre innocence, gravité avec en filigrane le vertige de sa conséquence imprévue après que — parfois — le désir ait subsumé les interdits, le scandale et ses conséquences.
Dès lors, toute l’histoire s’est remise à refaire surface en rejaillissant, bravant l’ignorance d’une injonction majeure : ” si je ne t’ai rien dit c’était pour ton bien.” L’auteure nous fait ainsi rejoindre bien des histoires de famille où se taire est beaucoup plus important que parler — ce qui serait tenu pour un crime.
Mais voici les deux femmes soumises avec le bout d’un fil entre les doigts, l’extrémité d’une pelote à tirer pour faire venir le reste de l’Histoire. Le tout pour une idée majeure : sois qui tu es pour devenir toi-même. Telle est l’injonction suprême.
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jean-paul gavard-perret
Zeruya Shalev, Stupeur, Laurence Sendrowicz (traducteur), Gallimard, coll. Du Monde Entier, 2023, 368 p. — 23,50 €.