Une piètre édification pathétique
Sur l’écran défilent des images hétéroclites en damier : des rouages, des équations, Blanche Neige, des défilés, Hitler, Churchill, les éléments sont interchangés à un rythme assez rapide. Puis, un discours un peu grandiloquent introduit le propos comme un hommage au grand savant.
Le narrateur se met ensuite rapidement dans la peau d’Alan Turing, celui qui a déchiffré Enigma, le système de codage des nazis pendant la guerre. On assiste alors à des tranches de vie, qui présentent dans un ordre non chronologique les rencontres décisives du mathématicien qui a eu l’intuition du langage binaire. Sa conviction qu’on peut modéliser la pensée afin d’en faire acquérir des rudiments aux machines, la perte de son ami d’enfance le plus cher, la persécution de son homosexualité sont thématisées.
Les scènes sont présentées de façon explicite ; le propos est intéressant mais s’inscrit dans un registre didactique, tout en présentant Turing de façon caricaturale, comme un bègue soumis à la condamnation de ses “mauvaises mœurs”. Les dialogues sont écrits de telle sorte qu’on saisit l’intention de l’auteur ; les éléments importants sont surlignés. Le sens s’en trouve saturé, comme si on voulait faire parler les silences.
Les comédiens sont généreux, mais monolithiques ; leur jeu n’ouvre pas la réflexion, mais identifie les points sensibles. On s’ennuie donc à voir ce qui ne nous est que trop montré ; il en est comme si on ne séparait pas les didascalies, censées expliciter le contexte, et les échanges, qui pourraient exprimer des doutes.
Les affres vécues par Alan Turing eussent mérité une écriture plus nuancée, voire plus acérée. Dans cette version, son histoire est réduite à une piètre édification pathétique.
christophe giolito
La machine de Turing
de Benoit Solès
mise en scène Tristan Petitgirard
Avec Benoit Solès, Jules Dousset
Décors Olivier Prost ; lumières Denis Schlepp ; musique Romain Trouillet ; vidéo Mathias Delfau ; costumes Virginie H ; assistante à la mise en scène Anne Plantey ; enregistrement violoncelle René Benedetti.
À la Scala Prrovence 3 rue Pourquery de Boisserin 84000 Avignon, Scala 600,
du 7 au 29 juillet à 13h30, durée 1h30 relâches les 10, 17, 24 juillet.
Au théâtre du Palais Royal à partir du 18 août.
Production Atelier Théâtre Actuel Coproduction : Morcom Prod, ACME, Fiva Production
Coréalisation : La Scala Provence
Spectacle inspiré par la pièce de Hugh Whitemore “Breaking The Code”. Basée sur “Alan Turing : The Enigma” d’Andrew Hodges.