Vanda Spengler, Zone grise

Sidé­ra­tions

Cette Zone grise est une zone noire. Noir et blanc serait plus juste. Le blanc donne au noir sa lumière par­ti­cu­lière. Les natures mortes y deviennent vivantes, les êtres déchar­nés et vieux y retrouvent la plus cruelle des volup­tés — celle qui tient en vie.
Et l’animalité qui appa­raît dans une sim­pli­cité sans grâce impacte un uni­vers où tous les élé­ments phy­siques prennent une dimen­sion métaphysique.

La puis­sance des espèces et des ordres humains, ani­maux, végé­taux est désor­mais l’objet d’un poten­tiel esthé­tique irré­pres­sible. On peut cher­cher une signi­fi­ca­tion sym­bo­lique mais mieux vaut se lais­ser por­ter par de telles images lus­trales et ter­ribles — enten­dons sur­tout ter­ri­ble­ment belles.
Spé­cia­liste du por­trait, la pho­to­graphe ins­taure une nou­velle vision par des effets de véhé­mence dépla­cée mais jamais exa­gé­rée ou for­cée. Ses “expec­ta­tions” s’amusent à jouer avec les sté­réo­types de la beauté, de la jeu­nesse, de l’animalité, etc. Elle explore les iden­ti­tés et les émo­tions qu’il s’agit de trans­mettre voire de com­bi­ner avec des sen­ti­ments contra­dic­toires d’ambivalence et de défi.

Les per­son­nages sont comme sub­mer­gés par une forme d’altérité qui s’immisce en de tels “mon­trages”. Et Vanda Spen­gler illustre la pour­suite d’un idéal exis­ten­tiel en la sor­tant des machi­nismes à fan­tasmes. Elle refuse tou­te­fois que les corps se baignent d’ombre.
L’espace est saisi de corps crus par­fois en osmose pour ne faire qu’un. C’est aussi l’espace des forces créa­trices et des éner­gies de vie et de sens. Et peu importe que l’artiste évoque des mondes ambi­guës. Au contraire.

Il s’agit de tout repla­cer sous la voûte de ce que Vanda retient à la croi­sée de ses ogives. Etres, ani­maux, choses s’offrent contre ou à leur gré, en sacri­fiant au plai­sir ou la souf­france. Tout devient “incon­ti­nen­tal”, théâ­tral, sidé­rant.
Fêlé ou d’acier, le regar­deur ne peut pos­si­ble­ment se ber­cer d’ illu­sions. Mais il n’est pas une vic­time. Au fond de ses pen­sées git un sens obs­cur où flotte son sui­cide ou sa petite mort. Le voilà tou­jours proche du chaos, proche de réin­té­grer sa force.

jean-paul gavard-perret

Vanda Spen­gler, Zone grise, Sélec­tion Prix Men­tor 2023, Le Bou­doir, Arles, 7 juillet 2023.

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