Ce livre permet non seulement une meilleure compréhension mais se lit comme un récit inattendu et captivant qui anticipe le jour “pas loin peut-être où il nous semblera aussi naturel de laisser notre clef dans la serrure, afin que la police puisse entrer chez nous nuit et jour, que d’ouvrir notre portefeuille à toute réquisition”.
Existe en effet chez Bernanos une parole annonciatrice de ce qui arrive lorsqu’on pense aux moyens de plus en plus puissants dont dispose le système numérique où rester un esprit libre demeure une gageure.
L’auteur rappelle que se croire informé de tout, c’est se condamner à rien. “Tel est le sort des imbéciles”, écrit-il. Et l’auteur de préciser que sous ce terme ne se cachent pas ignorants ou simples d’esprit mais certains intellectuels qui doivent être tenus pour “suspects”.
Bernanos délivre la parole de soi ou d’un nous enseveli, enfermé dans les cryptes d’un prétendu savoir. D’où les chocs et résonnances d’un style capable de créer des séismes. L’auteur reste l’insurgé des fins de monde et ce, en cris d’abyme dans ce qui se tisse par ses archipels et fragments.
Ils rayent, lacèrent, fulgurent, creusent ce qui est et les archétypes qui avec lui se mirent à vaciller.
On a retenu de l’oeuvre souvent la haine en oubliant ce qu’il existe en elle de chaleureux et de complice et où parfois s’y sentent les brumes d’une mélancolie en rien romantique.
Et c’est pourquoi l’auteur donna à lire pour la première fois le langage de ceux qui en étaient privés en retournant les Evangiles du bien penser pour les mettre en mauvaise posture et pour répondre à ce que la littérature classique de son temps cachait dans son hypocrisie.
jean-paul gavard-perret
Georges Bernanos, La France contre les robots, Louise Bottu, collection Inactuels/Intempestifs, 132 p. — 10, 00 €.