L’Ouest américain n’a rien de romantique !
Un jeune garçon est le seul rescapé d’un massacre à Tanque Verde. Il perd un œil en se défendant contre de nouveaux arrivants. Ramené à Tucson, soigné, il est veillé par Elsie, une prostituée du Scarlett Lady.
Le caporal Quintus Jones est un déserteur multirécidiviste. Le colonel Wilburg décide de sévir très brutalement. Mais Quintus s’évade en compagnie de son compagnon de cellule, un indien chiricahuas.
À Tucson, Kid, comme l’appelle Elsie, est adopté par un riche éleveur Wesley J. Helleck. Mais lorsqu’il découvre les véritables raisons de son adoption, il entraîne Elsie dans sa fuite. C’est ainsi qu’ils vont rejoindre la route du déserteur et de l’Indien, celle d’un esclave noir en fuite et d’une religieuse isolée après le massacre de son groupe.
Et c’est Kid qui va les convaincre de venir avec lui car…
En réunissant six marginaux qui fuient, qui une menace, qui une vie difficile, le scénariste s’offre une belle réserve de péripéties. De plus, le personnage du jeune garçon semble riche en mystères et en potentialités à révéler.
Ce premier tome relate les rencontres de ces six personnages et une petite partie de leur parcours mouvementé. Celui-ci risque, compte tenu du contexte, de le devenir encore plus.
Un narrateur explicite ce qu’était réellement cet Ouest américain et demande d’oublier toutes les foutaises qu’on a pu raconter. C’était un monde d’une extrême violence, peuplé, à quelques exceptions près, d’ivrognes, de voleurs et d’escrocs. Il définit ce qu’étaient les cow-boys, d’où venaient les prostituées des saloons, ce qu’étaient les soldats, les religieux. Il donne les rapports succincts entre les hommes, la place des femmes.
Dans un dossier étoffé et bien étayé, Philippe Pelaez remet les éléments en perspective, explicitant les raisons du western et démontant les légendes. C’est en respectant cet angle de vue, qu’il met en scène tous les ingrédients du genre à la sauce des Dime Novels et hollywoodienne. C’est ainsi que l’on a son content de coups de feu, de nature hostile, de chevaux, de paysages grandioses, de gueules patibulaires, de bonne société puritaine et de course au trésor sur fond de vengeance.
Réunissant des personnages habituellement cantonnés à des rôles de figurants, au mieux des rôles mineurs, le scénariste bouscule les codes du genre, démolissant mythes et légendes.
Le dessin et la mise en couleurs sont dus au talent de Javi Casado. Cet illustrateur travaille régulièrement pour les éditeurs français, On peut se rappeler sa belle prestation avec Un peu de tarte aux épinards (deux tomes en 2019 et 2020 chez Casterman). Avec un trait énergique il plante des décors travaillés et réalise des personnages très proche de la réalité. Son travail sur les expressions des acteurs du drame retient le regard et l’attention.
Ce premier tome est une belle révélation pour le ton employé, la mise en place efficace de l’intrigue et l’angle d’approche du récit. On attend les trois autres tomes promis avec impatience.
serge perraud
Philippe Pelaez (scénario) & Javi Casado (dessin et couleur), Six — Première partie : Le Massacre de Tanque Verde, Dargaud, mai 2023, 64 p. — 15,00 €.