Miguel Szymanski, Château de cartes

Le crime se trouve là où est l’argent

Il faut, avant toute chose, lire les remer­cie­ments de l’auteur. Ils donnent le ton et le cadre du roman. “Je remer­cie éga­le­ment pour leur ins­pi­ra­tion les ban­quiers, les magnats de la finance et les poli­tiques que j’ai croi­sés tout au long de mes vingt-cinq années de jour­na­lisme… Je pense sur­tout à ceux qui m’ont menacé, m’ont licen­cié et ont tenté de m’intimider… Cer­tains d’entre eux ont connu la faillite, la pri­son, mais la majo­rité est tou­jours là, déci­dant du des­tin du pays et des gens qui l’habitent. Vous pou­vez être sûr d’une chose ; cette his­toire est très en-deçà de la réa­lité et du nombre de vic­times cau­sées par ce sys­tème éco­no­mique et poli­tique.

Alors qu’une femme réa­lise un sar­co­phage en acier en vue d’une uti­li­sa­tion très pro­chaine, Mar­cello Silva rentre à Lis­bonne. Il s’était réfu­gié à Ber­lin après avoir, en tant que jour­na­liste, dénoncé une vaste affaire de cor­rup­tion. Il revient prendre la tête d’un ser­vice de lutte contre la cri­mi­na­lité en col blanc. Mar­cello renoue avec sa ville, nombre d’anciens contacts et com­mence à struc­tu­rer son ser­vice pour une traque effi­cace.
Dans sa pro­priété viti­cole de quatre mille hec­tares, Anto­nio Car­mona, qui dirige la BVG (Banco de Valor Glo­bal), est inquiet. Aussi, quand son télé­phone vibre, il sait qu’il doit vite retour­ner à Lis­bonne. Une seule per­sonne peut l’appeler où il est. Il pen­sait dis­po­ser encore de deux semaines avant que tout s’effondre comme un châ­teau de cartes.
Un jeune homme, employé par le gen­darme de la bourse, qui a repéré d’étranges opé­ra­tions est retrouvé assas­siné.
Dans le res­tau­rant où Mar­cello dîne avec Mar­ga­rida, une amie„ il assiste à une inso­lite alter­ca­tion entre Car­mona, un ancien ministre et un indi­vidu, accom­pa­gné de deux gardes du corps, qui menace le ban­quier.
Et Car­mona disparaît…

L’action du roman se déroule du ven­dredi 3 au lundi 13 juin. Pen­dant ces dix jours, l’ancien jour­na­liste va arpen­ter Lis­bonne pour ten­ter de retrou­ver ce ban­quier véreux avant le drame. Mais lui-même va se retrou­ver dans une situa­tion périlleuse qui va l’entraîner hors du pays.
L’intrigue prend racine dans ce Por­tu­gal qui tra­verse une énorme crise éco­no­mique, pro­vo­quée en par­tie par une mafia poli­tique par­ti­cu­liè­re­ment gratinée.

Avec une plume alerte, une bonne dose d’humour, mêlant décou­vertes de Lis­bonne et révé­la­tions directes ou indi­rectes, Miguel Szy­manski signe un véri­table brû­lot, un roman noir à sou­hait sur ces voleurs qui s’épaulent, se pro­tègent pour s’enrichir tout en pres­su­rant le peuple. Car­mona, lui-même se sent écrasé par l’injustice du monde car : « Il avait juste dupé quelques cen­taines de mil­lion­naires, et la pri­son l’attendait. Les autres volaient de façon éhon­tée des vieux, des enfants, des femmes enceintes et des parents au chô­mage, sans la moindre conséquence. »

Ce magni­fique roman, struc­turé autour d’une belle intrigue, dénonce avec brio un uni­vers de méchants en costumes-cravates, de délin­quants à col blanc. Or, cette engeance sévit partout !

serge per­raud

Miguel Szy­manski, Châ­teau de cartes (ouro, prata e silva), tra­duit du por­tu­gais par Daniel Matias, J’Ai Lu n° 13 735, mars 2023, 352 p. — 8,50 €.

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