Une face très sombre d’Édimbourg
Tyler Wallace s’occupe de Bean, sa petite sœur de sept ans, car Angela, sa mère, n’en n’est plus capable. Elle se drogue et se saoule. Tyler doit même s’occuper d’elle quand elle gît, inconsciente, dans ses déjections. Il a un demi-frère, Barry, une brute droguée qui se saoule, et une demi-sœur, Kelly, soumise à son frère. Ils vivent dans un des quartiers les plus durs et les plus sordides d’Édimbourg.
Tyler est collégien. Barry le force à participer à des cambriolages car sa petite taille lui permet de se faufiler par des ouvertures étroites. Le trio est en train de piller une nouvelle maison repérée par Barry, dans un quartier résidentiel quand une femme arrive. Elle n’est pas effrayée et les menace même. Savent-ils chez qui ils sont ? Barry la poignarde, elle tombe, fixe son regard sur celui de Tyler tétanisé avant de s’effondrer complétement. Par reflexe, Tyler ramasse le téléphone de la femme. C’est la fuite précipitée avec le butin. Bouleversé, Tyler, rentré chez lui, utilise le téléphone pour appeler anonymement les secours…
Or cette dame est l’épouse de Deke Holt, le chef de la plus grande famille de bandits de la ville…
Le récit s’appuie essentiellement sur le personnage de Tyler, un garçon de dix-sept ans, né dans le mauvais endroit. Il est plein d’empathie et détonne dans ce milieu où la violence règne en maîtresse. Confronté à des situations difficiles il tente de les gérer le mieux possible.
À dix ans, il a dû prendre en charge sa mère qui accouchait de Bean et apprendre à gérer ses comportements imprévisibles, à protéger sa sœur, à prendre en compte les risques liés à son état. Il doit anticiper les folies d’un Barry alcoolique qui pratique l’inceste sur Kelly.
Soumis au joug de son demi-frère qui le brutalise, il veut de préserver sa sœur, lui éviter de sombrer, à son tour, dans le cycle infernal de la délinquance et de ses résultantes.
Avec Tyler, le romancier dépeint l’ambiance qui peut régner dans une famille de défoncés où aucune règle sociale ne subsiste, où les difficultés quotidiennes bloquent toutes tentatives de s’en sortir.
Mais l’auteur ne porte pas seulement un regard scrutateur sur les familles marginales et montre que les traumatismes existent aussi dans des cellules familiales plus fortunées, socialement plus favorisées.
Autour de Tyler, ce garçon qui ne sait pas faire le mal, le romancier développe une intrigue dense, forte, où la violence est omniprésente, où les rapports ne sont basés que sur le mensonge, la tromperie, la peur. Il met en scène l’inceste, les effets de l’alcoolisme, ceux de la drogue, la délinquance qui dérape, jusqu’à une final dantesque.
Mais autour de ce jeune garçon qui suscite une belle empathie, gravitent nombre de personnages qui portent des déchirures, ont eu un passé difficile qui a laissé des séquelles, des traumatismes. Il en est ainsi d’Angela, devenue mère à quinze ans, de Pearce, violée dès ses premières règles par un beau-père, devenue policière pour tenter de protéger ceux qui le méritent.
Il y a la traque vengeresse menée par les membres de la famille mafieuse qui ont une réputation à tenir et doivent montrer que l’on ne s’en prend pas impunément à l’un des leurs.
Mais, dans ce maelstrom de férocité, l’amour émerge pour protéger une chienne et ses trois petits, entre deux êtres que tout semble séparer. Il faut noter une petite inversion de prénoms entre Tyler et Barry à la page 265.
Avec Voyous, Doug Johnstone propose un roman noir, très noir, intense et émouvant, qui se lit avec une tension en croissance exponentielle au fil des pages.
serge perraud
Doug Johnstone, Voyous (Breakers), traduit de l’anglais (Écosse) par Marc Amfreville, Métailié, coll. “Noir”, avril 2023, 304 p. — 22,50 €.