Anne Portugal connaît l’opprobre qui pèse sur le selfie de mauvaise réputation. Il est considéré comme vulgaire et méprisable parce que facile et populaire. Mais cela ne l’empêche pas de rejouer la question de l’identité, de l’image et de sa représentation en poésie.
C’est pourquoi, dans ce livre et comme la poétesse le précise, “Sur les pages de gauche, des poèmes courts et approximatifs s’amusent à interroger l’exercice sur le terrain et la naïveté de sa mise en place dans des environnements divers.”
C’est pourquoi, pour répondre à des demandes de circonstances, Anne Portugal a choisi un certain “chromo” pour représenter le demandeur et la créatrice dans un dispositif attractif voyant : un cadre graphique entoure un poème sur deux colonnes plus ou moins conjointes, et cela en fidélité à l’émoi et à l’hésitation du preneur d’images.
Un tel montage peut donner lieu à plusieurs lectures “d’ajustement”. C’est astucieux et subtil là. Il ne s’agit pas d’une juxtaposition mécanique mais d’un moyen de produire un lien, une syntaxe “joue contre joue” dans ce qui tient portant d’une complicité factice et fugitive mais où, néanmoins, divers types d’alliance filtrent.
jean-paul gavard-perret
Anne Portugal, s&lfies, P.O.l éditeur, Paris, 2023, 128 p. — 17,00 €.