S’honore — Pensées pour Pascal Blaise

Les phrases ici fixées ne sont que des reprises — elles-mêmes pro­vi­soires. Elles s’essaient une nou­velle fois, font ce qu’elles peuvent. Mais les reprendre expose à un sur­croît de doutes. Même si cer­taines sonnent comme un aver­tis­se­ment réitéré : rien n’est à lais­ser flot­ter comme ça, c’est trop réel.
Tou­te­fois reste alors à savoir ce que veut dire ce mot. Mais quel autre nom lui don­ner ? Tout le monde le répète. Néan­moins, com­ment l’a-t-on u car aucun mot ne pos­sède une carte d’identité n’en déplaise aux phi­lo­logues et leurs domes­ti­ca­tions. Per­sonne n’en connaît le père, la mère, voire sa femme ou ses enfants.
J’aurais pré­féré trou­ver un autre nom car celui-ci cache bien d’inévitables écarts ou rup­tures avec ce qui est. Mais ses emprises — toutes quoique inéga­le­ment bru­tales — tentent bien sûr de défi­nir un espace commun.

Tout concept est en effet un réci­pient men­tal, fondé sur une volonté de connais­sance et qui est censé pro­cé­der de la rai­son. Le monde est donc tamisé et rangé. Le concept est donc en guerre contre les marges de celui-là en bat­tant le rap­pel contre ses impasses. Mais le réel reste hors de tout mot car celui-ci est un tue-l’amour. Le pre­mier dort dans le second sauf chez les poètes d’exception où il trouve une dis­po­si­tion fusion­nelle et par­fume notre poro­sité au monde.
C’est alors que nous ren­trons dans le réel comme dans un mou­lin tout en ébrouant notre iden­tité et en nous fami­lia­ri­sant avec ce qui échappe. A l’homme, ani­mal doué de rai­son, se sub­sti­tue l’être poé­tique, doué de rythme, deve­nant lui-même musique au fur et à mesure que la rai­son en devient le vassal.

Le mot devient le mou­ve­ment de la conscience, hap­pant au pas­sage le temps. Il forme l’enclave autour de la conscience à l’intérieur du temps, la façonne en flam­beau en sa pointe extrême d’hallucination sonore. C’est comme si un Dieu élu deve­nait le seul musi­cien en soi et loca­taire du temps.
Si bien que beau­coup cherchent avec lui une coha­bi­ta­tion har­mo­nieuse. Faute de mieux. Et ce, à l’exception de ceux qui, purs ins­tru­ments, ne peuvent s’appartenir qu’en se dépos­sé­dant, enclins à toutes les épi­dé­mies d’extase et igno­rant les vac­cins de la rai­son. Cela prend du temps mais rend à ce der­nier une braise.

jean-paul gavard-perret

photo de Roy Anderson

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