Frédéric Brrémaud & Nathalie Berr, Le temps est assassin

Les rêves d’adolescente, les regrets de la quarantaine…

Une voi­ture file à toute allure sur une route en lacets. Le conduc­teur semble agacé. Un virage man­qué et le véhi­cule plonge dans la mer.
Vingt-sept ans plus tard, en 2016, Clo­tilde est sur les lieux où ses parents et son frère aîné ont trouvé la mort en août 1989. Elle est en com­pa­gnie de Franck, son époux, et de Valen­tine, sa fille ado­les­cente. Si elle se recueille, ce n’est pas le cas des deux autres qui n’ont pas connu les victimes.

Clo­tilde, il y a vingt-sept ans, tenait un jour­nal intime où elle racon­tait ses vacances, les per­sonnes qui l’entouraient, les lieux fré­quen­tés. Ils étaient ins­tal­lés au cam­ping des Euproctes. Son père, Corse, est membre de l’influente famille Idrissi. Une sil­houette referme un cahier et s’interroge sur les rai­sons de son retour.
C’est dans ce même cam­ping que Clo­tilde ins­talle sa famille. Sous la douche, elle a une révé­la­tion : son père n’a pas tourné !

Pour­sui­vant son pèle­ri­nage, elle se rend vers le bun­ga­low qu’ils occu­paient alors. Là, une dame lui dit qu’elle a reçu un cour­rier pour Clo­tilde Idrissi. Dans cette mis­sive, signée P…, Palma est le pré­nom de sa mère, on lui demande de se tenir à un point pré­cis quand elle sera chez ses grands-parents. Mais, l’écriture est bien celle de sa mère, elle la recon­naî­trait entre mille.
Alors…

Le récit alterne entre 2016 et 1989. Dans le pré­sent, c’est la rela­tion des recherches menées par l’héroïne pour essayer de com­prendre ce qui a pu moti­ver les évé­ne­ments de l’été du drame. Le passé se raconte par le jour­nal intime que la jeune fille tenait, où elle notait ce qui se dérou­lait sous ses yeux.
On apprend dans quelles cir­cons­tances elle a perdu ce cahier, la révé­la­tion de celle ou de celui qui l’a en sa pos­ses­sion n’intervenant qu’à la chute.

Le par­cours de Clo­tilde adulte, deve­nue avo­cate, suit un jeu de pistes par­ti­cu­liè­re­ment désta­bi­li­sant. Elle va de décou­vertes en révé­la­tions, per­ce­vant des aspects d’une société dont elle n’a jamais soup­çonné l’existence lorsqu’elle était ado­les­cente.
Paral­lè­le­ment, la per­son­na­lité de Clo­tilde, à quinze ans, se révèle. Elle vou­lait se démar­quer par un look ins­piré de Beet­le­juice, étu­diait les rela­tions qui se tissent, se nouent dans le groupe des amis de son frère de trois ans plus âgé. Ce sont les sen­ti­ments qu’elle exprime, son éveil aux autres, ses émois amou­reux, la jalou­sie, la sen­sa­tion de rejet…
Mais, comme le roman­cier, le scé­na­riste n’occulte pas les pro­blèmes liés à l’urbanisation de l’île et fait expri­mer, en toute hon­nê­teté, les dif­fé­rents points de vue sur le sujet.

Le gra­phisme est dû aux talents conju­gués de Natha­lie Berr au des­sin et de trois colo­ristes : Raphaël Ollé Cer­vera, Syl­vain Marzo et Alexandre Var­da­nian. C’est avec grand plai­sir que l’on retrouve Natha­lie Berr qui revient à la bande des­si­née avec le même savoir-faire, le même soin de mise en page, le même dyna­misme pour cam­per des per­son­nages aisé­ment iden­ti­fiables et dont la ges­tuelle est fort bien ren­due.
Cette adap­ta­tion d’un roman de Michel Bussi (paru en 2016 aux Presses de la Cité), est une belle réus­site, le scé­na­riste fai­sant res­sen­tir l’essence même du livre, son intrigue cise­lée porté par une mise du plus bel effet.

serge per­raud

Fré­dé­ric Brré­maud (scé­na­rio adapté du roman de Michel Bussi), Natha­lie Berr (des­sin), Raphaël Ollé Cer­vera, Syl­vain Marzo et Alexandre Var­da­nian (cou­leurs), Le temps est assas­sin, Édi­tions phi­léas, mars 2023, 112 p. — 19,90 €.

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