Les rêves d’adolescente, les regrets de la quarantaine…
Une voiture file à toute allure sur une route en lacets. Le conducteur semble agacé. Un virage manqué et le véhicule plonge dans la mer.
Vingt-sept ans plus tard, en 2016, Clotilde est sur les lieux où ses parents et son frère aîné ont trouvé la mort en août 1989. Elle est en compagnie de Franck, son époux, et de Valentine, sa fille adolescente. Si elle se recueille, ce n’est pas le cas des deux autres qui n’ont pas connu les victimes.
Clotilde, il y a vingt-sept ans, tenait un journal intime où elle racontait ses vacances, les personnes qui l’entouraient, les lieux fréquentés. Ils étaient installés au camping des Euproctes. Son père, Corse, est membre de l’influente famille Idrissi. Une silhouette referme un cahier et s’interroge sur les raisons de son retour.
C’est dans ce même camping que Clotilde installe sa famille. Sous la douche, elle a une révélation : son père n’a pas tourné !
Poursuivant son pèlerinage, elle se rend vers le bungalow qu’ils occupaient alors. Là, une dame lui dit qu’elle a reçu un courrier pour Clotilde Idrissi. Dans cette missive, signée P…, Palma est le prénom de sa mère, on lui demande de se tenir à un point précis quand elle sera chez ses grands-parents. Mais, l’écriture est bien celle de sa mère, elle la reconnaîtrait entre mille.
Alors…
Le récit alterne entre 2016 et 1989. Dans le présent, c’est la relation des recherches menées par l’héroïne pour essayer de comprendre ce qui a pu motiver les événements de l’été du drame. Le passé se raconte par le journal intime que la jeune fille tenait, où elle notait ce qui se déroulait sous ses yeux.
On apprend dans quelles circonstances elle a perdu ce cahier, la révélation de celle ou de celui qui l’a en sa possession n’intervenant qu’à la chute.
Le parcours de Clotilde adulte, devenue avocate, suit un jeu de pistes particulièrement déstabilisant. Elle va de découvertes en révélations, percevant des aspects d’une société dont elle n’a jamais soupçonné l’existence lorsqu’elle était adolescente.
Parallèlement, la personnalité de Clotilde, à quinze ans, se révèle. Elle voulait se démarquer par un look inspiré de Beetlejuice, étudiait les relations qui se tissent, se nouent dans le groupe des amis de son frère de trois ans plus âgé. Ce sont les sentiments qu’elle exprime, son éveil aux autres, ses émois amoureux, la jalousie, la sensation de rejet…
Mais, comme le romancier, le scénariste n’occulte pas les problèmes liés à l’urbanisation de l’île et fait exprimer, en toute honnêteté, les différents points de vue sur le sujet.
Le graphisme est dû aux talents conjugués de Nathalie Berr au dessin et de trois coloristes : Raphaël Ollé Cervera, Sylvain Marzo et Alexandre Vardanian. C’est avec grand plaisir que l’on retrouve Nathalie Berr qui revient à la bande dessinée avec le même savoir-faire, le même soin de mise en page, le même dynamisme pour camper des personnages aisément identifiables et dont la gestuelle est fort bien rendue.
Cette adaptation d’un roman de Michel Bussi (paru en 2016 aux Presses de la Cité), est une belle réussite, le scénariste faisant ressentir l’essence même du livre, son intrigue ciselée porté par une mise du plus bel effet.
serge perraud
Frédéric Brrémaud (scénario adapté du roman de Michel Bussi), Nathalie Berr (dessin), Raphaël Ollé Cervera, Sylvain Marzo et Alexandre Vardanian (couleurs), Le temps est assassin, Éditions philéas, mars 2023, 112 p. — 19,90 €.