Isabelle I : immanences et mouvements — entretien avec la photographe

Isabelle I crée par ses séries “Pré­sences” et “Double je” une com­mu­nauté inavouable avec non seule­ment elle mais nous-mêmes là où, par le “jeu” pho­to­gra­phique, jaillit l’approche d’une expé­rience inté­rieure inédite.
L’ombre, à ce titre, n’interrompt pas les images de l’être puisque qu’elle vient de lui. Existe aussi par ce détour un poten­tiel méta­pho­rique com­plexe et puis­sant. Chaque œuvre sou­lève de nom­breuses ques­tions au sujet de la fémi­nité et de la nature humaine.
Fondé sur l’insolite, le cli­ché per­met d’entrer dans le domaine de l’insondable. Là où l’ombre com­bine des élé­ments de sources tem­po­relles et spa­tiales différentes.

Ce tra­vail répond ainsi par­fai­te­ment à ce que deman­dait Kafka à l’art : ” un coup de hache sur une mer gelée “. Et ce, dans une aspi­ra­tion intime par le dépouille­ment absolu bien plus fort que celui de la simple nudité. C’est une manière dis­crète de figu­rer notre inté­rio­rité.
Les ombres telles des larves aban­don­nées imposent leur vérité : pour se connaître, il faut la cher­cher plus loin que la neu­tra­lité du por­trait. C’est pour­quoi, aussi, lorsque celui-ci s’ose à per­cer sa cui­rasse par des poses ludiques, il s’agit de péné­trer l’inconscient.

L’artiste par ces biais réin­vente une huma­nité blanche par le noir et accouche notre chi­mère. Ils montrent ce qui nous charge. À nous de faire avec. Et en avant doute. Là où l’ombre cou­chée assigne un “Lève-toi”.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La Fin de mes Rêves. La Lumière du Jour. Les Oiseaux.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Cer­tains se réa­lisent avec le Temps.

A quoi avez-vous renoncé ?
L’Insouciance de ma Jeu­nesse. La Connais­sance tue l’Insouciance.

D’où venez-vous ?

De Là-Haut. Ne sommes-nous pas tous des pous­sières d’étoiles ?

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
De belles valeurs, comme le Res­pect, la Liberté. Et l’Amour de la Nature.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Pas de petit plai­sir. Un grand plai­sir : la Créa­tion. Je suis, je pense et je vis l’Art au quotidien.

Com­ment définiriez-vous votre poé­tique ?
Je suis une contem­pla­tive, une artiste roman­tique. Mon tra­vail pic­tu­ral et pho­to­gra­phique, est à la fois sym­bo­lique et phi­lo­so­phique. Ce que je crée est ce que je suis.

Com­ment par­ta­ger vous votre tra­vail pic­tu­ral et pho­to­gra­phique ?
Via mon site : isa.i.free.fr, des sites artis­tiques et les réseaux (sociaux, ce terme me dérange.)

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Une image du Radeau de la Méduse, de Géri­cault, dans le dic­tion­naire. Puis, la Pein­ture, immense, au Louvre. Un choc visuel. C’est une œuvre char­gée de sym­boles. Elle fait écho à notre Société actuelle, à notre Monde d’aujourd’hui !

Et votre pre­mière lec­ture ?
Le Dic­tion­naire Larousse. La Langue fran­çaise est très riche… et en per­pé­tuelle évolution.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Tout dépend de mon état d’esprit. C’est très hété­ro­clite. Ce sont des musiques, reflets de mes émo­tions. Des musiques, qui me font rêver, vibrer, dan­ser, qui me trans­portent. Et dont les paroles me touchent aussi.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Depuis mon ado­les­cence, “Les Fleurs du Mal”, de Bau­de­laire. Poèmes, que je ne cherche pas à apprendre. Je me délecte de les redé­cou­vrir à leur lec­ture. (Mais, c’est men­tir de dire que je ne connais pas quelques vers.)

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Ele­phant Man”, de Lynch (vu il y a long­temps : pas Lynch, le film !)

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi : quelqu’un qui me res­semble ou pas ! Moi ; pour­quoi, il y a quelqu’un d’autre ? Il/elle se cache ?!

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je suis libre d’écrire à qui je veux, ce que je veux, quand je veux, où je veux.
J’écris beau­coup. C’est une écri­ture impul­sive, libre et sin­cère, ins­pi­rée aussi, de la Vie, du Monde, de ma vie d’artiste, de femme, de citoyenne du Monde, de terrienne !

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
L’Au-delà… Plus proche : La Val­lée de Rois et des Reines, en Égypte.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Léo­nard de Vinci, Dela­croix, Cara­vage, Clau­del, Kahlo, entre autres…
Bau­de­laire, Paso­lini, leurs œuvres poé­tiques. Camus, entre autres…

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
L’arrêt du Temps. Ou l’Éternité. L’Immortalité !

Que défendez-vous ?
L’Art. La Culture. La Nature. La Liberté. La Paix. Les Causes justes… Trop… Quel Monde ! Quel gâchis que ces Guerres (guerre des Égos aussi. Et la Bêtise humaine n’a pas encore atteint son paroxysme !)

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
En théo­rie ou en pra­tique ? On ne devrait pas se poser autant de ques­tions… C’est contra­riant. La Nature humaine, quoi ! La com­plexité des êtres, des sentiments…

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Tout est évi­dem­ment écrit quelque part ?

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Croyez-vous en l’avenir des artistes et écri­vains, quand celui-ci, ne sera qu’I.A (Intel­li­gence Arti­fi­cielle) ?
Ce à quoi, je répon­drai : « Les gens sen­sés, culti­vés et/ou aimant l’Humain, com­pren­dront que toute œuvre véri­table est réa­li­sée par un être unique, de chair, avec un cœur et un cer­veau. Les autres se conten­te­ront de médio­crité.» En bref, l’Humain est en voie de dis­pa­ri­tion, sur Terre du moins !

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 3 avril 2023.

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