Annabelle Dupret ouvre le monde de Thierry Tillier et son déconditionnement d’images confidentielles ou populaires en diverses éclipses et comme en dévers de ce que de telles figurations voulaient “dire”.
La vocation contemplative prend un nouveau sens dans les séries et collages de l’artiste : une vamp en uniforme, une plante, ses feuilles, sa fleur et son fruit etc. se retrouvent stimulées dans des expérimentations combinatoires pour caser la neutralisation et l’indifférence de tels signes.
Thierry Tillier extrait de leur contexte d’origine les images et brouille leur temps : “Le visage apathique d’une aborigène peut avoisiner le corps provocant d’un mannequin élancé, et les photos d’enfance, se présenter sur de vieilles cartes politiques lithographiées”, précise l’auteure.
Les miroirs premiers sont donc retournés en une une position de recul et de résistance. L’écriture, la plastique et l’engagement politique s’imposent au cœur de cette pratique autonome et indépendante. Les règles, déterminées à l’origine par la culture environnante et par la société, sont modifiées en profondeur par ces structures remodelées.
L’artiste, comme le rappelle Annabelle Dupret, sème le doute face aux images de corps “se décrivant eux-mêmes”. Il déterritorialise les figures féminines, entre autres des top-modèles “aux attitudes maîtrisées et aux tirages illimités”, pour les remplacer par découpes et altérations.
Existent de nouveaux liens de contestation face aux ordres des simulacres qui s’enchaînent dans la société occidentale depuis son origine et ses diverses contrefaçons (de la Renaissance à la révolution industrielle) à mesure que la production et la reproduction des images croissent et se multiplient.
D’où l’importance d’un tel essai. Comme les oeuvres de Tillier, il ne ressemble à aucun autre.
jean-paul gavard-perret
Annabelle Dupret, Thierry Tillier. Déluges intimes — économie de signes (et autres textes), Editions Tandem, 2022, Gerpinnes (Belgique), 72 p.