La ténuité des moirures de notre existence
C’est un intérieur défraîchi, meublé chichement. Des pneus, un piano, des chaises pliantes dessinent un espace ouvert sur un jardin, mais finalement assez indéterminé. Les comédiens entrent par les côtés de la scène, s’assoient tous face au public, en ligne, comme pour faire attendre leurs répliques.
Des réflexions générales sur l’existence, sur la langueur du temps qui passe et qui nous affecte insensiblement expriment la détresse d’êtres qui semblent avoir oublié de se penser, hormis pendant cette période intermède, cet espace d’introspection ouvert par la présence du professeur Sérébriakov, propriétaire du domaine, désormais à la retraite, déchu de son prestige par la vieillesse et la maladie, remarié à une femme jeune et belle.
La nuit, ces personnages se croisent, se saoulent, se confient, se réconcilient. Tous disent leur amour, toujours mal placé, dévolu à un être qui ne le reçoit pas.
Durant toute la pièce, nous avons affaire à un temps suspendu, durant lequel ne se déroulent que des événements avortés, comme si les seules choses notables étaient intérieures, disant le rapport des êtres aux choses plutôt que l’état du monde. Le texte de Tchekhov est subtil, il interroge nos relations à la nature, à l’avenir, le rôle du savoir, l’irrépressible méconnaissance de soi-même.
Galin Stoev introduit des intermèdes musicaux, le piano se met en marche de façon relativement imprévisible, selon un mécanisme qui n’est que partiellement maîtrisé. Certaines répliques sont dites au micro ; des poules parcourent le plateau et s’y installent : le dispositif hétéroclite de la mise en scène souligne la ténuité du propos, son caractère définitivement éphémère.
Une représentation réussie, faisant résonner à bon escient les moirures du texte.
christophe giolito
Oncle Vania
d’Anton Tchekhov
Mise en scène Galin Stoev
Texte français Virginie Ferrere, Galin Stoev ; collaboration artistique et assistanat à la mise en scène Virginie Ferrere ; scénographie Alban Ho Van ; lumières Elsa Revol ; costumes Bjanka Adžić Ursulov ; sons et musiques Joan Cambon avec l’aide pour la création des machines musicales de Stéphane Dardé ; dressage Vincent Desprez.
Á l’Odéon théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, 75006 Paris, du 2 au 26 février 2023.
Location www.theatre-odeon.eu +33 1 44 85 40 40. Spectacle créé le 10 janvier 2023 au Théâtre de la Cité à Toulouse.
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h représentations surtitrées en anglais les samedis 4, 11, 18 et 25 février représentation surtitrée en français le vendredi 10 février représentations avec audiodescription les jeudi 9 et dimanche 12 février.
Production Théâtre de la Cité – Centre dramatique national Toulouse Occitanie coproduction Comédie – Centre dramatique national de Reims avec le soutien du Cercle de l’Odéon.