Cette somme permet de redécouvrir le travail critique de Vinclair — entre autres sur la poésie et ses dramaturgies qui touchent tous les spectacles et les combats -, boxe comprise.
La poésie devient l’art premier car, plus que de se confronter à de tels combats et expériences, elle est elle-même lutte et transmutation de la parole.
Abordant des oeuvres très diverses - du Shijing à l’œuvre d’Eugène Savitzkaya -, l’auteur montre que la prise du vers n’est pas la seule marque de fabrique de la poésie. Et plus qu’un panorama critique, se développe une vision océanique de la causa poetica.
Son but est de montrer comment des expériences diverses se développent.
Toutefois, l’auteur ne cesse de faire du tri dans ce qui se nomme poésie. Il en retient ce qui ressort d’un effort, indissociablement pratique et théorique. Pour lui, l’écriture est empirique puisqu’elle tient d’une pratique expérimentale du langage.
C’est pourquoi ici les distinctions entre prose et poésie, pensée et poésie, théorie et pratique n’ont plus de prise. La seule digne d’intérêt est celle qui dégage, non sans un certain platonisme, l’écrivain de “l’écrit-vent” pour lequel la littérature est un divertissement ou une marchandise.
Chacun dans ce texte pourra se faire les dents voire contester les choix de l’auteur qui préfère par exemple à Pierre Guyotat Denis Roche — ce qui n’est a priori pas raisonnable mais permet néanmoins d’ouvrir le pannel d’auteurs qui, chacun à leur manière, ont renouvelé le champ et le chant du sensible de percées subversives loin des catégories culturelles qui prennent un malin plaisir à moduler le réel plutôt qu’à le révéler.
jean-paul gavard-perret
Pierre Vinclair, Idées arrachées. Essais & entretiens, Lurlure, 2023, 528 p. — 26,00 €.