Dans une lettre inachevée du 10 septembre 1936, adressée à Egon, le père de Janna lui confie sa fille pour perfectionner son art de l’escrime. Egon et lui se sont connus pendant la Grande Guerre et leurs relations ont été très ambiguës.
Janna, porteuse de la missive, quitte Maastricht aux Pays-Bas pour Aix-la-Chapelle en Allemagne. Elle va perfectionner son « art de vivre de la mort » chez un maître escrimeur célèbre. Dans son domaine en pleine campagne, celui-ci organise aussi des combats interdits par le régime nazi.
Janna, âgée de dix-huit ans, va s’installer dans cet espace où règne une forte masculinité. Elle veut progresser et s’entraîne sans relâche. Mais, peu à peu, va naître, quand elle combat face à face avec Egon, un sentiment trouble qui la pousse à décupler ses qualités de combattante. Elle va aller, ainsi, vers une initiation à l’amour qui la révélera comme femme.
Parallèlement, présentant un sombre secret, elle cherche à comprendre les liens qui peuvent unir Egon et son père. Comment ont-ils pu nouer une amitié alors que tout les séparait ?
Autour de l’histoire d’un premier amour, c’est la progression de l’héroïne vers le monde adulte dans une ambiance menaçante. Le décor s’inscrit dans l’atmosphère oppressante de l’Allemagne avant la seconde Guerre mondiale, un monde sur le point de basculer dans une sanglante boucherie initiée par le nazisme.
Elle va chercher à percer le mystère de cette étrange amitié entre son père, médecin qui a combattu entre 1914 et 1918 pour les Pays-Bas et Egon Von Bötticher, maître escrimeur qui était sous les couleurs du kaiser Guillaume II.
Ce récit à tiroirs est superbement construit, conçu pour instiller une atmosphère trouble mêlant mouvements, sentiments, histoire et humanité. Le cadre est, en lui-même, une part importante de l’histoire avec cette demeure isolée où Egon vit avec un homme à tout faire et une cuisinière, où il entretient une petite ménagerie.
Ce lieu dédié à l’escrime avec une salle immense, glaciale, antre de combats interdits, ouvre des perspectives intrigantes avec ce mystère qui l’habite.
Avec une écriture ciselée, des descriptions puissantes, Marente de Moor plonge son lecteur dans l’univers émotionnel d’une jeune fille qui découvre des sentiments nouveaux, qui s’ouvre à la vie, une vie bien menacée…
serge perraud
Marente de Moor, La Vierge néerlandaise (De Nederlandse maagd), traduit du néerlandais par Arlette Ounanian, Les Argonautes Éditeur, janvier 2023, 320 p. — 22,90 €.