Un Objet Dessiné Non Classable !
Au fil d’albums à la présentation toujours étonnante et imprévue, Marc-Antoine Mathieu explore un immense univers : le Grand Rien. Et avec cet album, il ajoute une pierre remarquable à la saga.
Deep me est un thriller métaphysique, une sorte d’OVNI ou plutôt un ODNC, un Objet Dessiné Non Classable.
Après deux pages entièrement noires, il apparaît, dans la troisième planche un cartouche gris : “ADAM ?”. Cette question se répète : “Vous m’entendez?”, jusqu’à ce qu’elle déclenche une réaction sous forme d’un point d’interrogation, puis : “Q… Qu… Qui parle ?“
Ces questions amènent une réaction qui se traduit par des phrases en bas des vignettes, espace réservé à celui qui est interrogé. Commence alors un dialogue de sourds entre ceux qui essaient de savoir s’il est conscient et celui qui cherche désespérément à comprendre sa situation et se faire comprendre de ceux qui le questionnent.
Et, peu à peu, au fil des pages, une histoire se construit, source de nombre d’interrogations. On lui demande, avec insistance, de taper un code. Son attention s’affine. Il perçoit des bruits étranges pour une clinique ou un hôpital. Il tente de comprendre des phrases dont il n’a saisi que des bribes mais qui semblent mystérieuses et qui semblent lourdes de menaces.
Il perçoit une scène de chaos, une scène qui se répète dans les phases de veille jusqu’à…
L’auteur fait preuve d’une imagination sans limites avec, à chaque album, une trouvaille scénaristique peu commune et une présentation peu habituelle en matière de bande dessinée. Il faut féliciter l’éditeur qui suit les demandes du créateur, demandes qui sortent des sentiers ordinaires du genre.
Cette fois-ci, c’est un album où le noir, un noir profond domine, un noir intense qui sert de fond au récit. Au début, ce noir n’est troublé que de petits cartouches de dialogues ou des réflexions en lettres blanches. Puis une image émerge, une image floue comme celle perçue par un regard voilé.
On pense à un individu en coma profond qui essaie de nouer des contacts pour prouver qu’il est encore vivant, qu’il est encore possible de retrouver une existence humaine. Mais, il faut compter sur la capacité de Marc-Antoine Mathieu pour proposer un récit hors-normes.
Une fois encore, cet auteur imprévisible offre un joyau qui ne peut se rattacher à rien de connu encore pour une intrigue particulièrement rouée, pour son développement et sa mise en images.
serge perraud
Marc-Antoine Mathieu, Deep me, Delcourt, coll. “Hors Collection”, octobre 2022, 120 p. – 19,99 €.