Tina Mirandon propose des traversées du corps mises en situations plus ou moins subreptices. L’entrelacs entre un personnage, son « autre » y est travaillé dans une dimension paradoxale et souvent drôle ou labyrinthique.
La constitution du visible n’y est plus fomentée dans les termes d’une plasticité ou une mise en scène convenue.
Ici, Tisser sa toile offre à Tina Mérandon une manière d’aborder de manière particulière la relation mère-fille. Elle a utilisé dans ce but draps et nappes, objets textiles étant associé aux rituels domestiques qui reliaient les femmes entre elles. Ils permettent de faire poser mère et fille derrière un voile.
Les ombres projetées crée un théâtre qui rappelle autant Platon, le théâtre chinois que les peintures rupestres. L’image retrouve ainsi un écran premier, une matrice.
Surgit en conséquence une densité paradoxale nouée à l’effet des corps afin de créer une dynamique plastique. Elle devient la condition du visible comme si le regard avait partie prenante dans une recherche singulière. L’artiste donne une existence « aporétique » à son oeuvre.
Elle n’a cesse de jouer entre densité et transparence, incision et indécision, plan et feuilletage de plan, couleur et diaphanéité, discernable et indiscernabilité, choc terrestre et envolée.
Tout est mis en une sorte de mise en sursis, de porte-à-faux, de quasi virtualité fortement ancrée pourtant au terrestre et à la visibilité d’évidence. Une énigme aussi corporelle que mentale a donc lieu en ce travail subtil et humoristique d’effets optiques.
Tout reste de l’ordre, sinon du secret, du moins de l’énigme.
jean-paul gavard-perret
Tina Mérandon, Tisser sa toile, Éditions Loco, Paris, 2023, 68 p. — 27,00 €.