La Compagnie Pop Manuscrit interroge le théâtre en tant que situation. De quelle manière peut-on faire spectacle dans une société du spectacle ?
Conservation autour du projet d’un non-spectacle, proposé le 12 janvier dernier au Cube, Théâtre Antoine Vitez, installé sur le campus de l’Université d’Aix-en –Provence participe de cette approche selon laquelle le théâtre ne se nourrit pas d’une source littéraire, qui fait histoire autour de personnages. Il s’agit d’une création collective.
Trois figures (Jesshuan Diné, Cécile Peyrot et Xavier-Adrien Laurent) investissent le plateau qui accueillent deux rangées de spectateurs, côté jardin et côté cour. La salle reste éclairée un certain temps et celui qui pourrait être considéré comme un metteur en scène prend la parole sur le mode d’ une oralité heurtée, qui se répète et finalement ne dit rien de cohérent. La femme et l’homme plus âgé, passivement assis sur leur chaise, subissent ce propos décousu, comique dans sa vacuité.
Il finit par évoquer son expérience de « figu » au Festival d’Avignon et au théâtre du Jeu de Paume. Il s’agit de monter un projet de non-spectacle, une forme de résistance au spectacle. Les deux autres semblent, par leurs gestuelles, leurs mimiques recevoir de façon dubitative cette proposition d’un rien, qui génère régulièrement des plages de silence, comme une gêne. Le théâtre, c’est sans doute autre chose.
La conversation remplace un dialogue dramatique en ce qu’il est montage de citations d’un grand nombre d’auteurs cités, et au premier rang desquels Guy Debord et Francesco Masci. Il y a dans tout cela une logique du discours au micro, une dimension de logorrhée vertigineuse et presque ennuyeuse. La prise de parole doit devenir performative.
Peu à peu, les deux comédiens cherchent à s’émanciper de la domination de celui qui initie le projet. Ils vont et viennent sur ce plateau qui a des airs de loge, de backstage avec sa machine à café, son désordre de boissons et de victuailles, avec sa vilaine plante verte. Ne faudrait-il pas tout de même trouver un sujet, élaborer une structure ?
Comme dans un certain nombre de réalisations scéniques, le public essentiellement estudiantin sur le plateau, comme celui de la salle, en position frontale, est pris à témoin. A son tour, celui-ci pose des questions mi jargonneuses, mi satiriques aux trois présences, se prêtant ainsi au jeu initié par le vrai faux metteur en scène.
On se moque en vérité d’un entre-soi du théâtre contemporain, des perspectives offertes par les « résidences ». Mais est-il envisageable de faire théâtre sur le mode d’une non-oeuvre, d’un non-auteur ? Tout est pris en compte dans cette mise en scène du théâtre dans le théâtre ou plutôt exactement du théâtre sur le théâtre, y compris la demande d’une pause pour les participants de cette séance de travail : on boit son café, on sort du plateau…
Il est nécessaire d’envisager une réalisation de ce projet, comme une installation immersive et d’en venir au générique, dos à la salle, face à l’écran, qui a pendant toute cette méta-représentation projeté images et textes (hélas dépourvus de visibilité).
Le public, à certains moments, s’amuse mais les limites de ce geste de prétendu non-théâtre résident sans doute dans ce jeu qui tourne en rond, et surtout qui tourne à vide. La suite sera un bord de plateau pour les spectateurs les plus motivés.
Le monologue de Tonan Quito dans Entre les lignes, de Tiago Rodrigues, dévoile plus subtilement la beauté d’un échec créatif au théâtre qui débute ainsi : ça n’est pas la pièce… et est joué dans des foyers, à côté de salles de théâtre.
marie du crest
Conversation autour du projet d’un non-spectacle
Une création inspirée, en partie, des œuvres de Guy Debord, d’une part, et de Francesco Masci, d’autre part…
En coproduction avec le Théâtre Antoine Vitez (13) | la Scène Nationale Liberté-Châteauvallon (83) | le Théâtre du Bois de l’Aune – Aix-en-Provence (13) dans le cadre d’une aide à la résidence | et du Festival du Printemps des Comédiens, dans le cadre de la programmation Warm-up 2021 – Montpellier (34) | le Théâtre du Train Bleu, dans le cadre des résidences Tremplin (84).
Avec le soutien du Centre National des Écritures de Spectacle de La Chartreuse – Villeneuve Lez Avignon (30) | du Théâtre Joliette – Marseille (13) | de la Distillerie – Aubagne (13) | du Centre Social et Culturel Les Amandiers – Aix-en-Provence (13) | du Centre Social et Culturel Jean-Paul Coste – Aix-en-Provence (13) | de la Cie L’Hiver Nu, Théâtre Jean Vialla – Mende (48) | du Carreau du Temple – Paris (75) | du 3bisf, lieu d’arts contemporains (13).
Avec l’aide de la Direction Régionale des Affaires Culturelles PACA / Préfet de Région (dispositif »Rouvrir le monde » été 2020
et »Relançons l’été » été 2021) ainsi que celle de la Ville d’Aix-en-Provence.