Hans Bellmer et le corps des femmes
Les écrits proposés dans cette édition inédite ont ouvert des voies vers l’inconnu du corps et du langage plastique.
Porté par désir révolutionnaire cultivé au sein de la nébuleuse surréaliste — aux côtés d’André Breton, René Magritte, Gisèle Prassinos, Unica Zürn ou Georges Bataille -, Hans Bellmer use des possibilités de décomposition de la réalité consensuelle offertes par l’expérimentation anatomique ou par l’élaboration d’anagrammes.
Il procède par étranges déplacements d’organes, comme dans ses lettres d’amour : « Pas plus petites qu’un grand œil, tes oreilles sont les mains de l’enfant qui occupe ta tête, bercée de tes mains dont l’enfant n’est pas plus grand que toi qui m’aimes… ».
Du corps surgit son fantôme selon une technique de déplacement, de détournement, et finalement de « délivrance », comme écrit Bernard Noël dans son essai.
Hans Bellmer est ici théoricien, poète surréaliste mais aussi un personnage touchant et intranquille. Il est donc multiple et un pour incarner l’idée que les êtres doivent être diffractés pour se sentir vivants.
C’est la folie de l’art lorsqu’il accepte de nous engager dans les impasses nécessaires, loin des poses et des illusions d’une proximité trop vite atteinte lorsque nous croyons toucher l’origine fallacieuse d’un accomplissement.
pean-paul gavard-perret
Hans Bellmer, Le corps et l’anagramme, Édition établie & présentée par Stéphane Massonet & avec un essai de Bernard Noël, L’Atelier contemporain, 2023, 224 p. — 25,00 €.