Sur des textes écrits par Claude Moine/Eddy Mitchell, Ralph Meyer illustre des scènes décrites, des morceaux de vie, une existence à la limite des Fortifs, cette zone où se sont réfugiés les exclus d’une société en restructuration.
Le récit se déroule en 1956, une période frontière entre une Après-guerre qui se termine et un futur dédié aux progrès techniques et technologiques qui émerge.
Ce mercredi, c’est encore les vacances. Des camionnettes hors d’âge arrivent, que des types bâtis comme John Wayne, déchargent. Ce sont des matelassiers itinérants. Chaque ménagère se précipite pour faire réparer qui, un édredon, qui une paire d’oreillers…
P’tit Claude a quatorze ans et ce spectacle ne l’a pas impressionné. Il cherche d’autres sources d’intérêts. Il déambule dans le quartier, retrouve Marcel, un gamin de son âge, au square. Celui-ci est avec un vacancier qui vient de Rouen, une trotte ! Ils parlent du Boiteux qui s’est fait gauler par la maison Poulaga. Cette figure importante du milieu bellevillois, ce chef de gang a été tué.
Et P’tit Claude poursuit sa quête d’émotions fortes… qu’il finit par trouver…
Avec ce court récit qui s’étale sur quatre jours, du mercredi au samedi, Eddy raconte une promenade dans le quartier où il a vécu, Belleville, sur les hauteurs de Paris. Il mêle avec adresse autobiographie et imagination. Claude Moine, appelé P’tit Claude avant de devenir ce chanteur du groupe de rock Les Chaussettes noires en 1960 puis de faire cette carrière solo, a arpenté en long en large et en travers les quartiers qu’il décrit.
Il était au cœur des quartiers ouvriers de Paris, quartiers qui ont vu cette population migrer vers des banlieues lointaines grâce aux différentes politiques menées pour les exclure. Il dépeint, en quelques pages, une atmosphère, la vie quotidienne de l’époque et rappelle nombre de situations, d’objets et accessoires utilisés couramment. On retrouve son goût prononcé pour le cinéma d’action, surtout le cinéma américain.
Ralph Meyer, qui dessine Undertaker (Dargaud), a réalisé en 2017 et 2018 les pochettes de deux albums du chanteur. C’est cette rencontre qui permet à cet album d’être publié. C’est l’occasion pour le chanteur de raconter une période qui lui tient à cœur et à l’illustrateur de quitter les plaines du Far West pour le 20e arrondissement de Paris avec une vingtaine de planches d’une page ou double-page.
Il utilise la technique de l’aquarelle avec quelques rehauts de gouache. Il restitue le quotidien, les affiches publicitaires, celles de marques comme celles présentant des films.
Un bel album, un bel hommage à une période disparue mise en valeur par un texte attrayant où se retrouvent nombre d’expressions utilisées dans les années 1950, et des illustrations du plus bel effet.
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serge perraud
Eddy Mitchell (récit) & Ralph Meyer (dessin et couleurs), Des lilas à Belleville, Dargaud, novembre 2022, 80 p. — 19,00 €.