Michel Bourçon sait regarder le monde là, où par exemple, “la lumière blanche / frappe la blancheur d’os / des bouleaux dans le bleu”. Pas d’illusion ni sur lui ni sur nous.
Le ciel –contrairement à l’auteur — est devenu élégiaque et nul ne peut prétendre que la terre soit retournée par les mots.
Certes, ils prennent encore leur essor. Mais cela est provisoire car seul le vide monte en nous pour exister à nos dépens. Même s’il s’agit aussi de se désemplir de sa mémoire.
Seule certitude : le temps file et seuls les oiseaux (qui restent) s’envolent vers demain tandis que “les morts en nous remontent” et contrarient les mots, manière “de faire / comme si rien”. C’est peu mais contre mauvaise fortune Bourçon fait bon cœur.
La parole a beau rester un “courant d’air” qui tente de rejoindre la mémoire qui se perd et l’esprit qui nous abandonne, le vivant fait encore un effort. Les mots rêvent ce que nous sommes en devenant un si peu. Mais ils veillent sur nous au moment où notre corps, plus que sujet parlant, s’efface pour nous enfermer peut-être dans un dedans, peut-être en un dehors.
Plantés là “au seuil de ce qu’on ignore”, ils ne permettent pas toujours de retour. Car personne n’en a la clé ou connaît le geste magique qui nous ferait autres que nous sommes. Mais ils engagent au dur désir de durer.
jean-paul gavard-perret
Michel Bourçon, Corps habitable, Sinope éditions, octobre 2022, 98 p. — 7,00 €.