Véronique Bergen, Marolles — La Cour des chats

La flâ­neuse des Marolles

Ce livre s’adresse à ” tous les Marol­liens, d’adoption, d’esprit”, et à tra­vers ce livre leur cercle va for­cé­ment s’agrandir. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce quar­tier bruxel­lois, Véro­nique Ber­gen com­mence à en faire le tour à tra­vers un inci­pit d’Asli Erdo­gan de Requiem pour une ville per­due : ruelles sinueuses, rem­parts désor­mais invi­sibles, mais aussi le “styx” du lieu.


S
elon Véro­nique Ber­gen, ce quar­tier des Marolles pos­sède “un pré­sent indis­so­ciable de son passé” avec sa fronde et son “Zwanze” ou si l’on pré­fère son spleen presque idéal. C’est comme une ville incrus­tée dans Bruxelles et tout autant le “Quar­tier en marge et de la marge”. C’est dire si, à suivre la guide, nous nous y sen­tons bien.

C’est pour­quoi sans doute on vou­lut détruire les Marolles, pour “dis­ci­pli­ner le chaos, domp­ter l’anarchie, étouf­fer les émeutes, faire ren­trer les esprits libres dans le moule imposé”. Mais les habi­tants ne se sont pas lais­sés faire. Et ce livre devient le témoi­gnage d’amour envers ces “pion­niers de l’esprit des ZAD, et qui, depuis le XIIIe siècle, résistent au pou­voir, à l’oppression, aux grands pro­jets inutiles et néfastes.” et de coup de foudre pour cet espace.

L’auteure retrace ce qu’elle y a vécu et ce qui la rat­tache à un tel lieu. “Les modi­fi­ca­tions et dévas­ta­tions appor­tées à ces lieux vrillaient ma chair.” écrit-elle tant elle était et reste atta­chée à un péri­mètre d’anticonformisme. En absence de jar­dins, “les vieilles pierres des bâtisses y ont quelque chose de végé­tal”.
Et Ber­gen s’y sent aussi bien que toutes celles et ceux qui y vécurent. Cela, avec une nos­tal­gie reven­di­quée comme telle.

Véro­nique Ber­gen remonte l’histoire de Marolles, son urba­ni­sa­tion nomade et son situa­tion­nisme, en rap­pelle les Fan­tômes de Brue­gel et de Vésale, sa poli­tique de l’hospitalité, sa com­mu­nauté juive et les drames des rafles du nazisme, et bien sûr ses chats
Ici une vigi­lance socio-politique carac­té­ris­tique fait du quar­tier un élément-phare des luttes urbaines mais, écrit l’auteure, “Non, un exemple à suivre car la résis­tance n’a de leçon à don­ner à per­sonne.” Existe là toute l’énergie d’un contre-pouvoir inces­sant contre les pro­jets pha­rao­niques et/ou catas­tro­phiques. Reste donc là sinon un exemple du moins une belle leçon de savoir-vivre qui prouve que la vie d’un lieu dépend “d’une poïê­sis et d’une praxis, c’est-à-dire d’un « faire »”. Il reste frère du rêve et qui per­met de don­ner vie à une sorte d’écosystème régénérateur.

Cette péré­gri­na­tion se ter­mine au milieu des chats. Entre autres de la rue de la Sama­ri­taine où l’auteure a habité vingt-six ans. La magie féline la sub­ju­gua. Les rami­na­gro­bis furent au besoin squat­teurs des mai­sons aban­don­nées qu’ils firent leurs, à côté des mar­gi­naux et des poètes.
Véro­nique Ber­gen en est une et elle trouva en leur com­mu­nauté de quoi nour­rir sa pen­sée. Autant avec les chats plus ou moins sau­vages ou de gout­tières que les siens dont “Milord, mon sublime mar­quis qui quitta la Sama­ri­taine avec moi en 2017″.

Preuve que les chats trouvent “dans la liberté des Marolles un espace exté­rieur au dia­pa­son de leur monde inté­rieur.” Ne reste plus qu’à prendre un billet et rejoindre le lieu.
Nous pou­vons faire confiance à une telle tour-opératrice. Elle ne déçoit jamais.

jean-paul gavard-perret

Véro­nique Ber­gen, Marolles — La Cour des chats, C. F. C. Edi­tions, Bruxelles, 2022, 128 p.- 18,00 €.

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