Catarina et la beauté de tuer des fascistes (Tiago Rodrigues)

Tuer ou ne pas tuer, telle est la question

Chaque année, une famille por­tu­gaise se réunit dans une mai­son de cam­pagne où elle accom­plit un rituel bien san­glant, exé­cu­ter un fas­ciste. L’arrière grand-mère est à l’origine de cette tra­di­tion fami­liale : témoin de l’inaction de son mari, un sol­dat fas­ciste, devant le meurtre de Cata­rina Eufé­mia en 1954, elle la venge en tuant son époux.
Depuis plus de soixante-dix ans, cette ven­geance se per­pé­tue de géné­ra­tion en géné­ra­tion. Mais qu’a à voir cette ven­detta assas­sine avec l’idéal de jus­tice et de défense de la démo­cra­tie dont se targue cette famille ?
C’est la ques­tion qui retient la plus jeune fille de la famille, aussi pré­nom­mée Cata­rina, désor­mais en âge de tuer son pre­mier fas­ciste, un député d’extrême droite, com­plice de fémi­ni­cide, kid­nappé pour l’occasion.

Le doute la retient d’appuyer sur la gâchette. Sa mère, jouée par une comé­dienne puis­sante, y voit une tra­hi­son des valeurs fami­liales : tuer, c’est se rendre libre ; c’est résis­ter à la dic­ta­ture fas­ciste qui n’a pas dis­paru sous cou­vert d’autres noms alors que la démo­cra­tie est en péril. C’est accom­plir un devoir de jus­tice et puisque la jus­tice est belle, le crime est beau !
Mais Cata­rina se refuse à tuer, à céder à une bar­ba­rie tyran­nique qu’elle voit comme le propre de la dic­ta­ture, au risque d’être accu­sée de com­pli­cité avec les enne­mis de la démo­cra­tie. La vio­lence est d’abord ver­bale, elle fuse comme des balles qui deviennent réelles à la fin de la repré­sen­ta­tion, alors que la famille s’anéantit.

Comment défendre la démo­cra­tie sans tra­hir ses fon­de­ments ? Le dilemme est posé et la pièce du nou­veau direc­teur du Fes­ti­val d’Avignon se nour­rit dès lors de peu d’action et d’un peu trop de dis­cours idéo­lo­giques. La trame est lapi­daire, les per­son­nages mani­chéens.
Les cita­tions de Brecht ancrent la repré­sen­ta­tion dans une vision hau­te­ment poli­tique du théâtre mais la pièce colle à l’actualité sans souci de dis­tance. La mise en garde contre la mon­tée de l’extrême droite en Europe est por­tée à son comble dans l’interminable et cari­ca­tu­ral dis­cours du fasciste.

Ce tenant du natio­na­lisme, de l’homophobie, de la xéno­pho­bie, du racisme et de la miso­gy­nie a le der­nier mot d’une pièce dont la fin dérange, déroute et que le public, laissé devant une pro­vo­ca­tion ultime, n’ose applaudir.

clara cos­sutta

 

Cata­rina et la beauté de tuer des fascistes

Texte et mise en scène Tiago Rodrigues

© Filipe Ferreira

Avec Antó­nio Afonso Parra, Antó­nio Fon­seca, Bea­triz Maia, Caro­lina Pas­sos Sousa, Isa­bel Abreu, Marco Men­donça, Romeu Costa, Rui M. Silva

Tra­duc­tion du por­tu­gais Tho­mas Resendes ; scé­no­gra­phie Fer­nando Ribeiro ; lumières Nuno Meira ; adap­ta­tion des lumières pour les Bouffes du Nord Rui Mon­teiro ; cos­tumes José Antó­nio Tenente ; créa­tion et design sonore, musique ori­gi­nale Pedro Costa ; chef de chœur, arran­ge­ment vocal João Hen­riques ; Conseillers en cho­ré­gra­phie Sofia Dias, Vítor Roriz ; conseiller tech­nique en armes David Chan Cor­deiro ; assis­tante mise en scène Mar­ga­rida Bak Gor­don ; sur­ti­trages Patrí­cia Pimen­tel ; col­la­bo­ra­tion artis­tique Magda Bizarro.

 

Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, bou­le­vard de la Cha­pelle 75010, Paris.

https://www.bouffesdunord.com/fr/la-saison/catarina-et-la-beaute-de-tuer-des-fascistes_1

 

Du 7 au 30 octobre 2022. Durée du spec­tacle 2h30

Spec­tacle en por­tu­gais sur­ti­tré en fran­çais et en anglais, décon­seillé aux moins de 16 ans.

Uti­li­sa­tion d’armes à feu fac­tices durant la représentation.

Pro­duc­tion Tea­tro Nacio­nal D. Maria II (Lisbonne).

Copro­duc­tion Wie­ner Fest­wo­chen ; Emi­lia Roma­gna Tea­tro Fon­da­zione (Modène) ; Théâtre de la Cité – CDN Tou­louse Occi­ta­nie ; Théâtre Garonne – scène euro­péenne (Tou­louse) ; Théâtre de Liège ; Tea­tro di Roma – Tea­tro nazio­nale ; Comé­die de Caen – CDN de Nor­man­die ; Mai­son de la Culture d’Amiens ; BIT Tea­ter­ga­ras­jen (Ber­gen) ; Le Tri­dent – Scène natio­nale de Cherbourg-en-Cotentin ; Teatre Lliure (Bar­ce­lone) ; Cen­tro Cultu­ral Vila Flor (Gui­marães) ; O Espaço do Tempo (Montemor-o-Novo)  ; coréa­li­sa­tion  C.I.C.T. Théâtre des Bouffes du Nord (Paris)  ; Fes­ti­val d’Automne à Paris.

Le spec­tacle com­prend des chan­sons de Hania Rani (Biesy et Now, Run), Joanna Brouk (The Nymph Rising, Cal­ling the Sai­lor), Lau­rel Halo (Rome Theme III et Hyphae) et Rosalía (De Plata ; Feat Raul Refree).

Spec­tacle créé en sep­tembre 2020 au Cen­tro Cultu­ral Vila Flor (Gui­marães — Portugal).

Mani­fes­ta­tion orga­ni­sée dans le cadre de la Sai­son France-Portugal 2022.

Tour­née :

Les jeudi 10 et ven­dredi 11 novembre au théâtre d’Hérouville Saint-Clair ; les mer­credi 16 et jeudi 17 novembre au théâtre Le tri­dent à Cher­bourg en Coten­tin ; les mer­credi 22 et jeudi 23 novembre à la mai­son de la culture d’Amiens ; les jeudi 1er, ven­dredi 2 et samedi 3 décembre au Théâtre de Liège ; les mer­credi 7, jeudi 8, ven­dredi 9 et samedi 10 décembre au Théâtre de la Cité, CDN de Toulouse-Occitanie, les mer­credi 21 et jeudi 22 décembre au Théâtre Lliure de Barcelone.

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