Quand se mêlent l’Histoire, le polar et la fantasy
Stephen Desbreg simplifie singulièrement le passage entre les mondes, ce concept si cher aux univers de fantasy. Il propose une simple porte, tant à Paris qu’à Venise, où les personnages entrent dans une Sérénissime en proie à une guerre contre des monstres.
Les héroïnes traquent alors les indices pour retrouver la trace de la tombe d’un pharaon maudit. Celui-ci, devenu demi-dieu par héritage, aurait poursuivi la voie tracée par Akhenaton et Néfertiti pour installer un monothéisme vers la fin de la dix-huitième dynastie. Or : “Un dieu unique est l’ennemi de tous les autres dieux.” Et Athon ne fait pas exception, provoquant une véritable révolution, une vraie répression.
Lamia, la petite voleuse, se remémore sa première rencontre avec le Seigneur de la peur. Elle assistait à l’inauguration de l’exposition égyptienne dans le Palazzo Grassi à Venise. Elle regrettait la légèreté de ces archéologues, persuadée qu’avec un peu plus d’efforts, ils auraient pu retrouver la trace de Ay, ce pharaon maudit condamné à la Damnatio Memoriae. Elle avait suivi l’homme masqué comme pour le Carnaval, craignant, cependant, pour sa vie.
Ils avaient passé une porte pour se retrouver dans une Venise en état de siège, ravagée par les Shayks, des démons. Il lui présente Izakiel, un vieux kabbaliste qui possède des sources secrètes sur ce mystérieux Ay. Elle s’empare, lors d’une échauffourée provoquée par le Seigneur de la peur, d’un codex révélateur. Maintenant, elle revient à Venise, avec son amie Linn, pour remettre la main sur ce codex. Mais leurs traces restent visibles et elles se retrouvent, très vite, sous la menace de ceux qui veulent mener leurs propres quêtes…
Reposant sur une base historique solide, l’intrigue de type policier que propose le scénariste est mâtinée de fantasy. Les actions sont animées par une belle héroïne qui, aidée par une amie initiée à l’intrusion furtive par son père dès son plus jeune âge, doit batailler ferme pour faire valoir ses positions et faire aboutir ses recherches. L’auteur pimente son récit de péripéties musclées.
Le graphisme est l’œuvre de Yannick Corboz qui assure des planches où son trait dynamique sert aussi bien un dessin très réaliste, très abouti, que des esquisses, des silhouettes d’une belle tenue. La mise en pages privilégie une certaine profusion qui assure dynamisme mais aussi une belle lisibilité. La couverture de l’album n’est-elle pas un hommage à Enrico Marini, le dessinateur de la série Le Scorpion scénarisée par … Stephen Desberg ?
Avec Lamia, les auteurs concluent de belle manière un diptyque où se mêlent avec réussite grande Histoire, religion ancienne et fantasy.
serge perraud
Stephen Desberg (scénario) & Yannick Corboz (dessin et couleur), Les Rivières du Passé — t.02 : Lamia, Éditions Daniel Maghen, août 2022, 72 p. — 16,00 €.