Dickens dans une Angleterre post-Brexit
Fiona Mozley avait déjà séduit avec son premier roman Elmet (2020, Joëlle Losfled) qui obtint le Man Booker Prize, le Goncourt britannique.
Existait déjà dans ce premier opus ce qui se retrouve dans Dernière nuit à Soho : le mélange des genres.
Mais ici, entre paradis et enfer, le roman policier se double d’une histoire de quartier au moment où celui dont il est question ici (Soho) devient l’objet d’une gentrification qui touche toutes les grandes capitales de monde où les prix de l’habitat chassent les désargentés du codeur des cités.
Dans ce roman foisonnant, les femmes (souvent et chacune dans leur genre fortes) tiennent le haut du pavé. Tout un univers dramatique et drôle s’agite pour différentes raisons plus inavouables que l’inverse, à l’exception de la policière Jackie Rose qui a fort à faire avec disparitions et trafic sexuel.
Une riche héritière qui possède de nombreux immeubles dans cette partie de Londres veut faire le ménage et expulser ses locataires afin de bénéficier de culbutes immobilières. Mais d’autres — pratiquées en bordel — s’opposent en quelque sorte à une telle reprise en main.
Precious, une des travailleuses du sexe, devient en quelque sorte le fer de lance de l’opposition face à la propriétaire. Elle sait que si cette dernière gagne, elle perdra tout et Soho son âme. Et le roman devient le récit baroque de cette lutte où diverses justices se mêlent tout comme bien des intrigues qui ne sont pas sans rappeler, avec un art parfait de la description, de celles d’un Dickens.
Preuve que son monde n’est pas si loin. Il est juste revu et corrigé dans une Angleterre post-Brexit où se mêle pauvreté et richesse selon une grande tradition romanesque ironique propre à la fiction britannique, à la fois humaine et complexe.
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jean-paul gavard-perret
Fiona Mozley, Dernière nuit à Soho, traduit de l’anglais par Laetitia Devos, Editions Joëlle Losfeld, 1 er septembre 2022, 352 p. — 20,00€.