L’Île au trésor revisitée de belle manière
Lady Vivian Hastings erre, seule, dans les ténèbres quand Byron, son époux disparu l’interpelle. Ils ne sont plus que trois à suivre Long John Silver dans les marécages en se demandant s’il sait où il va. Face à ce qui semble un cul-de-sac végétal, les pessimistes triomphent. Mais, derrière, ils découvrent la mystérieuse citée tant convoitée. Au sommet de la pyramide géante se tient Moc, le messager de Byron. Il jette, dans le marigot, une partie de la dépouille d’un chasseur disparu. Le sang attire des varans géants.
Réfugiés de justesse à l’intérieur de l’édifice, les quatre hommes découvrent un champ de bataille jonché de cadavres d’Espagnols et un plan de la construction. Ils repèrent, positionnés à des points stratégiques, des barils de poudre en quantité. Les Espagnols avaient découvert Guyanacapac, non pour le trésor, mais pour la détruire. Ce trésor n’est-il qu’une légende de plus ? Byron, halluciné, veut sacrifier l’enfant que porte son épouse au véritable dieu qui a élu domicile en ces lieux. Long John a signé un contrat par lequel il s’engage à protéger Vivian…
Quatrième et dernier volet d’une fresque inspirée par le chef-d’œuvre de Robert Louis Stevenson, L’Île au trésor, dans laquelle on retrouve les principaux protagonistes dans un parcours bien différent. Outre l’hommage à un livre : “…qui ne cesse de nous émerveiller depuis notre enfance.”, c’est aussi une manière de renouer avec le récit d’aventures. On retrouve, ainsi, avec un immense plaisir ces sagas qui jetaient dans l’inconnu des hommes prêts à tout pour changer d’univers, pour explorer des mondes vierges à la poursuite d’un Graal connu uniquement d’eux.
Les auteurs, dans ce volet, à la fois fantastique et apocalyptique, mettent leurs acteurs à rude épreuve. Dans une pyramide symbolique, les uns et les autres vont découvrir leurs vérités, comprendre leurs motivations et aller jusqu’au bout de leurs rêves, même si le prix à payer est disproportionné.
Mathieu Lauffray assure le graphisme (dessin et couleur) depuis le début de la série en 2007. Il participe également à l’écriture du scénario car, impliqué totalement dans ce projet, il souhaite faire état de ses idées sur l’évolution du récit, sur la succession des péripéties. Ce créateur aux talents multiples, qui vont de l’illustration à la bande dessinée en passant par le design pour le cinéma et le jeu de rôles, offre dans ce quatrième album un dessin d’une maîtrise absolue.
Au détour d’une page, il rend hommage à un des grands maîtres du dessin d’exception, à savoir Philippe Druillet, dont il est, d’ores et déjà, le digne héritier, possédant le même talent pour des décors originaux et grandioses. On est face à un “Opéra de papier”.
Une rumeur se propage qui relate que ces deux créateurs, au talent si singulier, poussent des recherches sur Long John, ce personnage de légende, pour de nouvelles révélations. Mais, ce n’est qu’une rumeur… En attendant un hypothétique retour du héros, régalons-nous avec cet album exceptionnel à tous points de vue.
serge perraud
Xavier Dorison & Mathieu Lauffray (scénario), Mathieu Lauffray (dessin et couleur) Long John Silver, T 4 : “Guyanacapac”, Dargaud, avril 2013, 56 p. – 13, 99 €.