Eva García Sáenz de Urturi, Les Rites de l’eau

Thriller sous haute tension

Le rite de l’eau est un des fon­de­ments de la culture et des tra­di­tions celtes. Ce rite met en avant des liquides nour­ri­ciers et de fécon­dité, où, par exemple, l’eau sym­bo­lise aussi le sperme. La roman­cière prend en compte de nom­breuses réfé­rences aux cultes anciens qui avaient cours dans la région.
Ces cultes ont été repris et quelque peu modi­fiés par des civi­li­sa­tions suc­ces­sives, tout en conser­vant le même esprit, pour­sui­vant les mêmes objec­tifs et sur­tout uti­li­sant les mêmes lieux.

Unai López de Ayala, dit Kra­ken, est pro­fi­leur à la bri­gade cri­mi­nelle de Vitoria-Gastelz. Il souffre d’une apha­sie de Broca depuis qu’un cri­mi­nel lui a logé une balle dans le cer­veau. Il fai­sait équipe avec Estí­ba­liz, spé­cia­liste en vic­ti­mo­lo­gie. Alba, sa supé­rieure, est sous-commissaire dans la même bri­gade.
Ce jeudi 17 novembre 2016, Alba mur­mure à Unai qu’elle est enceinte depuis août. S’il se réjouit, elle tem­père son enthou­siasme, lui avouant ne pas savoir si l’enfant est de lui ou de Nan­cho, son mari tué dans des cir­cons­tances rela­tées dans le pré­cé­dent roman Le Silence de la ville blanche (Fleuve noir 2020 – Pocket 2022).

Pour l’heure Unai est en conva­les­cence. Mais Esti l’appelle lui deman­dant de l’accompagner sur une scène de crime peu banale. Sur place, ils trouvent une femme enceinte pen­due par les pieds, la tête dans un chau­dron ancien. Et Unai recon­naît un amour de jeu­nesse. Il plonge alors dans l’année 1992 quand, avec ses trois amis, il fait un stage conduit par Saúl Tovar, un pro­fes­seur d’anthropologie cultu­relle de l’université de Can­ta­brie, et fait connais­sance de la pré­sente vic­time Ana Belém Liaño qui se fait appe­ler Anna­bel Lee comme des­si­na­trice de BD.
Très intri­gués par la mise en scène, les poli­ciers fouillent dans la passé. Ils découvrent une situa­tion simi­laire à Fon­tibre, il y a quelques années. Un tueur ressuscite-t-il ce rite ancien ? Mais pour­quoi Anna­bel Lee ?

Les per­son­nages sont liés par des sen­ti­ments très forts, au-delà de liens hié­rar­chiques et pro­fes­sion­nels, que ce soit l’amour, l’amitié ou la haine. Avec ces élé­ments, la roman­cière lance ses pro­ta­go­nistes dans une course éper­due vers la recherche d’une vérité en met­tant en scène aussi bien des péri­pé­ties ini­tiées par les humains ou par la nature, que des sen­ti­ments exa­cer­bés, des moments d’émotions fortes.

En construi­sant une intrigue qui oscille entre deux périodes, 2016 et 1992, l’auteure manie avec maes­tria une alter­nance présent-passé. Celle-ci lui laisse la pos­si­bi­lité de trai­ter de la thé­ma­tique de la pater­nité et de la mater­nité. Elle met en scène, dans son récit, des bons et mau­vais parents, des pères toxiques, des mères absentes, des parents indé­cis, tyran­niques, un père de sub­sti­tu­tion, des tantes dévouées… Ces situa­tions ban­cales, ces abus amènent des trau­ma­tismes qui influencent gran­de­ment la vie sociale.
Elle mène des réflexions fort inté­res­santes quand, par exemple, elle explique ces chaînes de vio­lences, qui remontent au paléo­li­thique. Depuis que l’Homo Sapiens moderne existe, il a exercé la vio­lence sur ses sem­blables que ce soit inter­fa­mi­liale, entre clans, vil­lages voi­sins, nations États, royaumes… Elle montre l’importance de la mytho­lo­gie cel­tique en Cantabrique.

Mais ce livre est d’abord un thril­ler avec son lot de retour­ne­ments de situa­tions, de décou­vertes macabres, de ten­sion où les héros se retrouvent en posi­tion très difficile.

serge per­raud

Eva García Sáenz de Urturi, Les Rites de l’eau (Los Ritos del Agua), tra­duit de l’espagnol (Espagne) par Judith Ver­nant, Fleuve noir, coll. “Thril­lers”, mai 2022, 544 p. – 21,90 €.

Leave a Comment

Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>