Sylvain Runberg, Anna Solveg & Belén Ortega, Patriarchy – t.01 : “Le Châtiment”

Dans un monde en ruines…

À la lueur de torches, une femme place un bébé sur une plan­chette posée sur l’eau. C’est un gar­çon. Il n’a pas sa place chez les Val­ky­ries. Puis, sous la conduite de Sigrid, la cheffe, la troupe rentre au Thing, un ancien parc d’attractions trans­formé en for­te­resse.
Depuis la lisière de la forêt des hommes observent, esti­mant que ces femmes sont la pire engeance. Elles se croient pro­té­gées par leur fort, mais un jour, elles devront payer pour leurs crimes. Sur l’eau, la plan­chette est vide.

Ishta, enceinte, a mal vécu la céré­mo­nie et veut s’enfuir pour gar­der son bébé. Elle en parle à Kahina et sa petite sœur Tala qui par­tagent un lieu de vie. Kahina, qui a vécu à l’extérieur, décrit un enfer.
À l’intérieur de l’enceinte, les récoltes sont mau­vaises et Kahina s’oppose à Sigrid quant à la poli­tique à mener pour dis­po­ser de res­sources nour­ri­cières suf­fi­santes. Mais l’Europe de 2077, cin­quante ans après le pre­mier conflit nucléaire mon­dial, a bien changé. Les hommes sur­vi­vants ont créé le Pro­tec­to­rat, un régime dic­ta­to­rial affir­mant une totale supé­rio­rité sur les femmes.
Quand les cir­cons­tances amènent Kahina, Tala et Ishta à fuir le Thing, elles se retrouvent dans cet univers…

Pour créer ce monde, les fon­de­ments du Pro­tec­to­rat, les scé­na­ristes n’ont pas eu à se creu­ser la tête bien long­temps. C’est le régime tali­ban adouci, celui des pays où règne un régime isla­miste, où les femmes n’existent pas en tant qu’individu.
Le récit débute avec un groupe de femmes libres sub­sis­tant dans une zone retran­chée. Cepen­dant, cette “liberté” n’est pos­sible que dans l’obéissance à une cheffe qui n’admet pas la contra­dic­tion. Ses déci­sions, prises en fonc­tion de cri­tères incon­nus, doivent être suivies.

Ce qui est extra­or­di­naire avec les com­mu­nau­tés humaines, c’est qu’il se trouve tou­jours un indi­vidu, ou un groupe, pour com­man­der les autres et ne souf­frir aucune contra­dic­tion. Et ce n’est pas parce qu’un peuple échappe à une dic­ta­ture qu’il est vac­ciné. La pro­chaine est toute proche, jus­ti­fiée tou­jours par des argu­ments véreux, fal­la­cieux, voire abjects.
Mais les scé­na­ristes enri­chissent de belle manière cette base pour déve­lop­per des actions fort intéressantes.

Le des­sin est signé de Belén Ortega. Elle a déjà col­la­boré avec Syl­vain Run­berg pour la tri­lo­gie Mil­le­nium Saga parue chez Dupuis. Son trait est sou­tenu, d’une belle élé­gance et donne des per­son­nages bien cam­pés, des décors tan­gibles, bien pré­sents dans les vignettes où ils ren­forcent l’action.
La cou­leur est l’œuvre d’Amparo Crespo qui, avec des teintes fortes, donne des ambiances de fin du monde, une atmo­sphère post-apocalyptique. Une bonne par­tie de l’intrigue se dérou­lant au cré­pus­cule ou de nuit, elles res­ti­tuent à mer­veille cette ambiance sombre, en demi-teintes.

Cette série, qui a déjà été pensé pour la télé­vi­sion, a été retra­vaillée pour la bande des­si­née. C’est un excellent choix d’en faire une tri­lo­gie au vu de ce pre­mier tome.

serge per­raud

Syl­vain Run­berg (scé­na­rio), Anna Sol­veg (scé­na­rio), Belén Ortega (des­sin) & Amparo Crespo (cou­leur), Patriar­chy – t.01 : Le Châ­ti­ment, Édi­tions Cau­rette, juin 2022, 64 p. – 14,95 €.

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