Un pur moment de lecture-plaisir
Si Jean-Christophe Portes séduit ses lecteurs avec Victor Dauterive, son enquêteur sous la Révolution (City éditions), par sa vision réaliste des événements et ses intrigues attractives, il excelle dans le roman d’aventures.
Après Minuit dans le jardin du manoir (Éditions du Masque – 2020), il poursuit en proposant le présent roman et en réactivant les principaux personnages.
Marcel Chignard, un ancien sous-préfet ami de Denis Florin, a hérité de son frère jumeau une belle collection d’œuvres africaines dont un masque punu, un fétiche très puissant. Voulant les vendre, il a attiré l’attention. Il reçoit des appels menaçants jusqu’au moment où deux hommes cagoulés le droguent pour lui faire révéler la cachette du masque, le laissant dans un état cataleptique.
C’est la lieutenante Estelle Müller, nouvellement nommée à la tête de la brigade de gendarmerie de Villequier qui doit démêler cette situation. Très vite, elle découvre des éléments troublants qui la conduisent vers Denis Florin. Connaissant les événements auxquels il a été mêlé l’an dernier, elle en fait son coupable idéal.
Nadget Bakhtaoui est devenue influenceuse après avoir perdu son poste de journaliste d’investigation suite à ses actions conduites l’an dernier. Elle doit partir pour une promotion de marques à Bali. Elle est bouleversée par un court poème, sorte de haïku japonais dont elle connaît l’auteur. Puis, c’est un jeune africain qui est découvert dans un chemin creux, en catalepsie, près du manoir de Caudebec.
Pour comprendre ce que voulait Chignard qui lui avait téléphoné à maintes reprises sans qu’il réponde, Denis s’introduit de nuit chez son ami. Voyant les documents relatifs à l’héritage, il se remémore l’étrange appel d’un individu à l’accent étranger. Un bruit l’alerte. C’est Müller qui est aussi dans les parages. Avant de fuir, il s’empare d’un vieux carnet de notes. La lecture de celui-ci le plonge dans un conflit ethnique qui perdure depuis des siècles.
Mais, pour garder sa liberté il doit fuir alors que sa grand-mère, avec l’appui du plus haut niveau de l’État, réactive le groupe du Manoir pour une mission à hauts risques en Afrique…
C’est un grand plaisir de retrouver les principaux protagonistes du groupe du Manoir, cette officine secrète créée par de Gaulle au temps de l’OAS. Jean-Christophe Portes offre un roman d’aventures débridées où se succèdent à un rythme très soutenu des actions, des événements qui mettent en difficulté les héros, les mettent en péril ainsi que leurs adversaires.
On retrouve le dynamisme des aventures d’un Arsène Lupin où le héros doit faire face tant aux forces officielles et légales qu’à des individus aux profils plus criminels. Les péripéties, les retournements de situations virevoltent, se multiplient en une ronde étourdissante. Les héros, tour à tour prisonniers, délivrés, fuyards, se débattant dans des situations critiques, font merveille. Les traits d’humour ne manquent pas et des éléments sentimentaux ne sont pas absents.
Outre la Normandie, le romancier prend l’Afrique pour décor, plus particulièrement la République du Congo et Brazzaville. Il recrute Pierre Savorgnan de Brazza pour quelques éléments de son intrigue. La commission d’enquête menée par l’explorateur a réellement existé. Elle a mis en lumière des exactions liées à la colonisation. Le rapport rédigé entre 1905 et 1907 n’a été rendu public qu’en 2014.
Ce roman a été couronné par le Prix du Masque de l’année français, une distinction tout à fait méritée.
On ne peut que souhaiter retrouver ces personnages dans de nouvelles et si passionnantes aventures. Alors…
serge perraud
Jean-Christophe Portes, Le Mystère du masque sacré, Éditions du Masque, mai 2022, 336 p. – 8,50 €.