Aller de père
La plasticienne bruxelloise Anne De Gelas a commencé par le dessin et l’écriture avant la découverte de la photographie par le négatif, des photographies de famille, le (re)-tirage. Elle a d’abord associé collages, textes, rêves, dessins, photographies, en premier lieu dans des carnets de voyages puis dans un journal quotidien.
Ensuite s’est posée la question de la création de livres — dont les superbes et tragiques L’Amoureuse et Mère et Fils.
Son travail pose la question de la maternité, de la féminité, de ce qu’on nomme intimité. Après la mort de son compagnon en 2011, la démarche s’est resserrée autour du deuil et du quotidien bouleversé.
Les photographies s’épurent pour suggérer une réalité trop difficile à vivre. L’anecdote n’y a plus de place.
Anne de Gelas sait parfois effacer le temps ou le retenir lorsqu’il s’emballe à la vitesse de la lumière. Existe une magie suprême par réinterprétation des formes. Le regard se rassemble. Ongles de buée.
Face cachée mais lumineuse d’avalanche ou d’Ascension incarnée. Tout devient braises renaissantes ou allées impulsives des douleurs.
L’artiste sait comprendre sans s’emparer, traduire sans réduire. Mettre à nu sans déflorer. Dès lors, s’engage un processus unique de création.
Renaît la lutte entre les corps et le Corps, le Monde et les mondes, entre l’Esprit et les esprits, une mère et son fils dans un désir de réconciliation.
Entre une féerie étrange et parfois des effets de brumes joue une forme de minimalisme actif. Par son franchissement, la photographe plus qu’une autre peut distinguer ce qui est féminité et ce qui est Femme, ce qui est masculinité de ce qui est Homme. Elle introduit la mutation de la Mutation. C’est une boucle, un échange entre l’art et le corps.
Un va-et-vient exigeant dans lequel le chemin à parcourir est immense. Car imaginer n’est jamais restreindre mais développer la fièvre et l’espoir d’une aurore à venir.
jean-paul gavard-perret
Anne de Gelas, Mère et fils, Editions Loco, 2017, 124 p.