Une uchronie singulière et fascinante
Après une catastrophe qui a plongé le monde dans l’obscurité, l’humanité renaît lentement des siècles après.
Tout est refaire car tout a été oublié.
Elaine, du clan Moòr, a été bannie après les événements tragiques du fort des Landes. Elle doit fuir vers le sud pour retrouver ce sanctuaire dont parlait son père, ce lieu où seraient conservés les savoirs anciens. Il lui faut, avec ses deux compagnons, franchir la Mer des Aigles, peuplée de ces gigantesques oiseaux. Alors qu’ils ont évités nombre de pièges naturels, en vue de la côte, ils sont attaqués par quatre aigles gigantesques. Ses compagnons sont happés, Elaine est enlevée par un monstre qu’elle réussit à tuer avant que celui-ci l’envoie se fracasser sur des rochers.
Elle se retrouve seule face à la Terre des Meutes. Mais, elle est attaquée par quatre guerriers à la mine patibulaire. Malgré sa résistance, l’un d’eux l’assomme et veut l’égorger. Ses ennemis sont abattus par des flèches. L’archère se présente comme Mara, une Arpenteuse, une voyageuse portant messages, nouvelles… Quand Elaine lui présente l’objet de sa quête, elle décide de prendre l’avis de Tael Umar, un ancien qui connaît encore l’histoire des temps d’avant. Mais elles croisent le chemin des Hommes-cerfs, une abomination née des temps de l’Obscure…
L’action se déroule dans un cadre post-apocalyptique où Elaine, l’héroïne, se débat. Sans connaître la nature de la catastrophe, des mutations ont eu lieu donnant naissance à une humanité hybride. Les survivants n’ont rien appris. Seuls certains réflexes ont survécu comme celui de la chasse, de la traque pour assouvir la faim ou pour défendre un territoire.
Avec cette série, prévue en quatre tomes, le scénariste entraîne ses lecteurs au cœur d’une fabuleuse épopée fantastique avec des monstres, les combats mortels, des croyances tenaces… Cependant, au-delà du récit d’aventures débridées, il propose une réflexion sur les enjeux humains, sur les thèmes sociétaux tels que la savoir, les religions, la violence absurde… Jérôme Le Gris implante son uchronie dans un cadre qu’il est facile de reconnaître compte tenu des indications semées dans le récit.
Didier Poli assure un dessin réaliste, aux traits toniques. Ses personnages sont campés de belle manière. Si les humains sont très réussis, ses monstres méritent le détour. Il laisse une large place aux scènes d’action et propose des décors fabuleux, des paysages dévastés, dans un cadrage efficace.
Bruno Tatti réalise une mise en couleurs crépusculaire qui sied parfaitement aux décors et à l’atmosphère qui règne sur le monde.
La première édition est complétée par un cahier graphique de huit pages présentant croquis, recherches, esquisses. Ce tome 2 conforte la qualité de cette série qui mérite qu’on s’y intéresse particulièrement tant elle est riche en actions, réflexions et offre un graphisme somptueux.
serge perraud
Jérôme Le Gris (scénario), Didier Poli (dessin) & Bruno Tatti (couleurs), Les Âges perdus - t.02 : La Terre des Meutes, Dargaud, mai 2022, 64 p. – 14,50 €.