Après l’époustouflant Les Beaux Mensonges (Les Presses de la Cité – 2021), Céline de Roany récidive avec De si bonnes mères.
Prenant pour décor la région nantaise, sa région natale, la romancière développe une intrigue où se côtoient une noirceur presque absolue et une lumière étincelante. Elle n’a pas son pareil pour faire cohabiter actions infâmes et sentiments élevés.
Ce dimanche 1er juillet 2018, à Clichy-sous-Bois, Céleste tombe dans un piège et subit le martyre avant de triompher. Mais à quel prix ! Le récit continue un an plus tard quand Ithri rejoint Céleste sur une scène de crime. Des amoureux ont découvert le cadavre putréfié d’une femme dans une rigole, le long d’un sentier. Sur place, ils tentent de trouver quelque indice malgré l’état de la victime. Seuls quelques longs cheveux enroulés sur une grosse alliance se trouvent à proximité du corps.
C’est à partir du 24 septembre que les événements macabres se succèdent sur les îles du Porte-Pierre et du Combattant dans le parc régional de Brière, près de Guérande. Cela débute avec le meurtre de Stéphane, un saisonnier cuisinier qui, lors d’une randonnée, est le témoin d’une scène fatale.
Pour pallier le manque d’effectifs, la gendarmerie fait appel à Gwilherm Guézennec, un commandant en retraite depuis peu. Mais Céleste et Ithri sont également chargés de l’enquête et doivent se rendre sur place. Or, gendarmes et policiers sont souvent en désaccord.
Mais les découvertes macabres se multiplient, des liens s’établissent avec des affaires anciennes non élucidées. Et Céleste est rattrapée par la justice…
Avec ce roman, Céline de Roany aborde la maternité, thème déjà sous-jacent dans son précédent livre, avec ses diverses approches, les possibilités variées de la fécondation, les difficultés et traumatismes liés. Elle évoque des conséquences comme : “Son ventre étirait le maillot jusqu’à le blanchir et ses seins avaient gonflé de manière obscène. Ses cuisses étaient piquetées de cellulite. Fallait-il être dégoûté de sa femme pour lui infliger cela !“
Pour faire vivre les différentes intrigues car elle sait multiplier les voies secondaires, elle entoure son équipe récurrente de personnages nombreux et variés aux profils travaillés, finement étudiés pour en rendre le meilleur dans leur rôle.
La romancière imagine, en parallèle de Céleste, le commandant Gwilherm Guézennec qui connaît bien les lieux et nombre d’insulaires gravitant dans le décor. Il utilise des méthodes d’investigation peu conventionnelles. Ce personnage atypique volerait presque la vedette à l’héroïne. Celle-ci est également hors normes tant dans sa vie professionnelle que privée.
Gravement mutilée, elle doit vivre avec des séquelles visibles, des traumatismes profonds.
Avec une multiplication d’images très parlantes, un tempo enlevé, c’est un récit très agréable à lire avec son écriture fluide, son attachement à suivre des personnages par chapitre. L’auteure glisse quelques clins d’yeux comme, par exemple, à propos de statistiques sur la nature d’indices : “Aucune idée, je l’ai lu dans un bouquin de Bernard Minier.“
Toutefois, elle donne quelques descriptions très réalistes. Elle introduit une légende bretonne et évoque la Justice en des termes assez peu élogieux face au traitement que subit Céleste.
Avec De si bonnes mères, Céline de Roany signe un roman exceptionnel, d’une grande qualité tant dans les rouages de l’intrigue, la tension du récit, que par une galerie de protagonistes particulièrement captivants.
serge perraud
Céline de Roany, De si bonnes mères, Les Presses de la cité coll. “thriller”, mars 2022, 480 p. – 21,00 €.