Wilfrid Lupano propose une vision très nouvelle de ces Vikings, une image plus proche des Pieds Nickelés que des féroces guerriers qui ont saccagé des régions entières pendant des siècles. À travers les avanies de ces guerriers, qui ne sont pas aussi sanguinaires que leurs homologues, c’est, avec le parti pris de l’humour, une vision de notre société, des travers de notre civilisation qui sont tournés en moquerie.
Il confronte deux approches religieuses entre des dieux assoiffés de sang et un souffreteux cloué sur une planche après un repas entre amis. Le fils de Reidolf trouve qu’avec un dieu unique c’est quand même plus simple.
Les dames vikings sont ravies car leurs guerriers sont enfin partis. Elles vont pouvoir vivre autrement que dans la saleté. Elles nettoient, se débarrassent des cadeaux ramenés des précédentes expéditions, des objets choisis sans goût.
Le drakkar emporte le chef Reidolf et ses guerriers pour de nouveaux faits de guerre, des pillages, des incendies, des massacres… Il a emmené son fils Arnulf, pour son premier raid, afin de lui apprendre les valeurs qui font la grandeur de leur peuple. C’est un garçon frêle, peu enclin à se battre, à tuer.
Mais ce qui est raconté quand ils reviennent est loin d’être la réalité. Alors que l’ancien, avec ses phalanges runiques, avait prédit le beau temps, ils se retrouvent dans une brume épaisse et le bateau se coince sur des rochers.
Après quelques temps, l’horizon se dégage. Ils voient une église. Qui dit église, dit village et le raid peut enfin commencer….
Les auteurs ont retenu un format en six cases, un format fort utilisé pour des gags. Et ils ne s’en privent pas, présentant une déferlante de scènes comiques, de dialogues pétillants et cocasses, de situations facétieuses. L’album se partage en six livres et chaque histoire est introduite par un titre évocateur ou humoristique.
Lupano met en scène des alliances incongrues, des rencontres peu banales avec d’autres sociétés, des combats difficiles comme celui mené pour s’emparer d’une forteresse. Il faut savourer les arguties employées par le chef pour empêcher ses guerriers de brûler, de démolir les églises parce que sa femme le lui a interdit.
Le graphisme assuré par Ohazar prend le parti de la caricature, campant en quelques traits des silhouettes. C’est avec la gestuelle qu’il fait ressortir le vécu, les sensations, les émotions. Les décors restent succincts. Ils sont envisagés comme un élément secondaire du récit au profit de la mise en action des protagonistes ou des ressorts comiques.
Par contre, ces flots déchaînés, ces vagues géantes qui menacent d’engloutir le drakkar sont magnifiques.
Un album fort bien venu dans ces périodes sombres pour ces trouvailles divinement humoristiques, pour son sens de la raillerie et pour un graphisme efficace.
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serge perraud
Wilfrid Lupano (scénario) & Ohazar (dessin et couleur), Vikings dans la brume, Dargaud, mars 2022, 64 p. – 13,00 €.