Dans l’enfer de l’art
Carol Rama, née Olga Carolina Rama en 1918 à Turin, est morte en 2015 dans la même ville. Sa mère est internée pour démence en hôpital psychiatrique, alors que la future artiste n’a que quinze ans. Son père, fabricant de bicyclettes, se suicide alors qu’elle en a vingt-deux.
Autodidacte, ses œuvres « érotiques et viscérales » ont atteint à la reconnaissance internationale seulement dans les années 2000 puisque très longtemps elles furent censurées.
Sa première exposition est fermée par la police et ses tableaux sont retirés de la galerie turinoise qui les avait accueillis. Dans l’Italie de 1945, ses aquarelles aux scènes sexuelles, d’hommes avec des chiens ou encore de femmes expulsant des serpents de leur intimité sont jugées irreprésentables.
Elle resta néanmoins la contemporaine invisible de ceux avec lesquels elle dialogua (parfois de manière intime) à travers son travail : autant avec Picasso, Duchamp, Luis Buñuel, Man Ray que Jean Dubuffet, Orson Welles, Warhol, Sanguinetti, la Cicciolina que Jeff Koons.
Son œuvre module et modifie l’apport des avant-gardes. Carol Rama inventa le “sensurréalisme” sans contrôle en hommage à sa mère. L’art y devient viscéral-concret, porno-brut dans une abstraction organique qui l’a laissée longtemps dans les marges ou l’enfer de l’art si bien qu’elle fut souvent gommée de l’histoire esthétique.
Perdue, l’artiste est peu à peu retrouvée. Elle commence enfin à être véritablement comprise et reconnue pour un travail unique aussi conceptuel d’une certaine manière qu’organique.
jean-paul gavard-perret
Carol Rama, Seduzioni e sortilegi, Studio la Città, Vérone, du 12 mars au 14 mai 2022.
Pauvre femme ! À croire que sa vie fût une succession de tourments . Que même l’art auquel elle s’accrochait l’a rendue orpheline.