Couper au plus haut dans la soumission
Marie de Quatrebarbes s’est inspirée de la vie du célèbre historien d’art Aby Warburg (1866 – 1929). Issu d’une riche famille de banquiers juifs, il devint spécialiste de la Renaissance, se passionna pour la photographie, les Indiens Hopis, constitua une invraisemblable bibliothèque de plus de cinquante mille volumes, puis sombra lentement, confronté au désastre du monde, dans l’univers de la folie.
Mais entrer dans la folie pour Warburg, c’est comme couper au plus haut dans la soumission.
Le livre veut parler de la faiblesse et dire en conséquence quelque chose d’important qui se joue en-dessous du rapport de force. Dans ce but, le roman raconte la période d’effondrement psychique du savant et son internement forcé en Allemagne puis à la clinique Bellevue, en Suisse. Il se découvre assez platement dans ce décor.
Pour le soigner, Ludwig Binswanger mit en oeuvre les techniques psychanalytiques de son ami Sigmund Freud. Et ici, la clinque de Bellevue est à la fois l’espace clos où Warburg est isolé mais aussi la cabine du projectionniste à partir de laquelle se rêve l’époque.
Marie de Quaterbarbes tente de comprendre et résoudre l’énigme qui entoure la maladie et la guérison de Warburg. Elle restitue l’effroi d’ “Aby” devant l’énigme de l’existence et dont sa passion pour l’art et les images fut un effort de conjuration. Existe de fait toute une analyse d’un imaginaire de construction et de déconstruction.
L’auteure montre l’interaction entre la vie et l’oeuvre, ce qui en suinte, ce qui en sort.
C’est en-deça, en deçà du langage. L’auteure tente d’en faire langue.
Et à chaque lectrice ou lecteur d’en apprécier le résultat sur le plan analytique et littéraire.
jean-paul gavard-perret
Marie de Quatrebarbes, Aby, P.O.L éditeur, 2022, 208 p. — 17,00 €.