Alexandre Jevakhoff, De Gaulle et la Russie. Le prix de la grandeur

De Gaulle et la Rus­sie éternelle

Il existe un lien par­ti­cu­lier entre la France et la Rus­sie, et qu’incarne le rap­port com­plexe que le géné­ral de Gaulle a entre­tenu avec ce pays, à la fois loin­tain et proche. C’est ce que rap­pelle Alexandre Jeva­khoff dans un livre docu­menté et riche.

Le rap­port de De Gaulle avec la Rus­sie est né dans le contexte de sa jeu­nesse qui, toute sa vie, l’a influencé : celui de l’alliance de revers que Paris noua avec Saint-Pétersbourg contre l’hégémonie alle­mande et qui devait nous per­mettre d’y échap­per, voire de vaincre le Reich. Cette idée conti­nua de l’habiter pen­dant toute sa car­rière : la Rus­sie comme contre­poids. Et peu importe qu’elle fût deve­nue com­mu­niste en 1917.

Ce fut donc auprès de Sta­line que le fidèle fils de la Sainte Eglise romaine cher­cha l’appui indis­pen­sable contre l’indifférence, l’hostilité et les pré­ten­tions des puis­sances anglo-saxonnes, sur­tout des Amé­ri­cains. Le Géor­gien lui accorda la recon­nais­sance de la France libre comme gou­ver­ne­ment de la France. Puis, en 1944, le même de Gaulle, se ren­dit dans la lugubre Mos­cou sta­li­nienne afin d’y signer un accord qui devait pré­ve­nir la France du revan­chisme ger­ma­nique et la sou­te­nir dans ses reven­di­ca­tions contre l’Allemagne.
Enfin, lors de sa pré­si­dence, il ima­gina une sorte d’axe Paris-Moscou pour mieux affai­blir l’hégémonie des Etats-Unis sur une Europe que le géné­ral aurait aimé sous contrôle franco-soviétique.

A chaque fois, le géné­ral est allé très loin dans ses ten­ta­tives de rap­pro­che­ment. Pour­tant, au grand jeu de l’instrumentalisation, les Sovié­tiques, à chaque fois, s’avèrent les plus forts. Ni en 1943, 1944 ou 1945, pas plus que dans les années 1960, ils consi­dé­rèrent la France comme un inter­lo­cu­teur à leur niveau.
Sta­line mépri­sait la France, qu’elle fût gaul­liste ou non. Lui comme ses suc­ces­seurs ne trai­taient d’égal à égal qu’avec les Américains.

De Gaulle s’est-il alors four­voyé ? La nuance s’impose. Tout d’abord, le livre montre très bien que dans les temps de confron­ta­tion avec le com­mu­nisme, le géné­ral ne ména­gea aucun coup contre le tota­li­ta­risme sovié­tique, avec des for­mules bru­tales et sans ambi­guïté.
Ensuite, sa poli­tique visait certes la gran­deur de la France, mais son réa­lisme lui impo­sait aussi de conduire une puis­sance deve­nue moyenne à recher­cher plus que jamais l’équilibre entre les grandes puissances.

La Rus­sie est en Europe. Il faut faire avec…

fre­de­ric le moal

Alexandre Jeva­khoff, De Gaulle et la Rus­sie. Le prix de la gran­deur, Per­rin, février 2022, 544 p. - 26,00 €.

 

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>