L’œuvre de plasticien de Claude Rutault repose depuis 1973 sur des protocoles écrits, des “définitions-méthodes”. Mais l’écriture chez lui ne se limite pas à de telles sentences.
Elle est aussi médium de recherche et dispositif dont la “matière” sont des récits, des fictions et des songes en rien creux.
L’artiste demeure attentif à des auteurs qui restent ses phares (de Gertrud Stein à Beckett en passant par Pinget ou Celan). Comme chez l’auteur de Molloy, l’écriture et la peinture se répondent.
Mais chez lui la seconde devient répétition et insistance pour aborder des territoires inédits.
Surgit un rapport prégnant au temps là où l’écrit ne donne pas fin à la peinture mais à son recommencement. “ça suit son cours” devient le leitmotiv de ce que l’art plastique peut produire.
Ecrire devient une des formes de ce que l’artiste nomme le repeindre ou le dépeindre.
Là, les éléments biographiques deviennent plus importants que dans son art au moment où les mots montrent ce que l’image ne dit pas — volontairement ou non. Le tout au moment où Rutault écrit en hommage à l’épouse disparue.
Et si la peinture efface plus qu’elle ne recouvre, l’écriture sauve autant l’oubli mais éloigne la nostalgie.
Non sans humour parfois là où la matière picturale est reprise au pied de la lettre.
jean-paul gavard-perret
Claude Rutault, déca-l’âge, Prière d’insérer de Christian Bernard, Walden, 2021, Diffusion Les presses du réel, 160 p. — 20,00 €.