Alain Perrocheau, Histoire et anthologie de la poésie en Vendée

 Il y a une seule Ven­dée par l’âme. La réa­lité de l’âme a consti­tué la Ven­dée (Louis Chaigne)

Une somme sur la poé­sie ven­déenne, à la fois his­to­rique et antho­lo­gique, telle se pré­sente ce livre.
En qua­trième de cou­ver­ture, Gilles Bély, Pré­sident de la Société des Ecri­vains de Ven­dée, affirme, après avoir évo­qué la Ven­dée comme terre de poètes, l’importance de la nature, de l’histoire et du carac­tère, que les poètes n’ont cessé de dire « une âme ven­déenne », fami­lière du labeur et de la fête, incli­nant au mys­tère.

Dans la pré­face, Louis Dubost, après s’être défini, avec habi­leté rhé­to­rique, « dou­ble­ment ven­déen » bien que non ven­déen d’origine, sou­ligne que la Ven­dée, en tant que dépar­te­ment, est une créa­tion admi­nis­tra­tive de la Répu­blique, « un arti­fice sans état d’âme », qui unit plaine et bocage, marais et côte océa­nique (1). Si elle existe, l’âme ven­déenne serait construite et plu­rielle.
Le reste de la pré­face qui adopte un point de vue dif­fé­rent, sinon opposé, de celui de la qua­trième de cou­ver­ture, évoque des géné­ra­li­tés sur la langue poé­tique et met en exergue James Sacré, pour s’achever par la mise en valeur de l’auteur de cette antho­lo­gie, en expri­mant sim­ple­ment le regret que n’y figurent pas davan­tage de femmes poètes (2).

Dans son avant-propos, Alain Per­ro­cheau dis­tingue les poètes deve­nus roman­ciers de ceux qui n’ont atteint leur gran­deur que dans la poé­sie. Son étude his­to­rique aurait achevé de le convaincre que « la poé­sie ven­déenne était le reflet de l’âme ven­déenne ». Comme élé­ments de cette âme se trouvent évo­quées les « valeurs du ter­roir », la fidé­lité. Il remarque à juste titre que la moder­nité n’est appa­rue que tar­di­ve­ment dans la poé­sie ven­déenne, au milieu du XXe siècle. Mais cette situa­tion est-elle très dif­fé­rente de la poé­sie des autres ter­ri­toires ?
En par­faite confor­mité avec son pré­fa­cier, le seul poète ven­déen cité et magni­fié dans cet avant-propos est James Sacré. Mais le lec­teur qui, à côté des cri­tères impor­tants de l’originalité et de la maî­trise du lan­gage, accorde aussi de l’importance à ce que le sens des poèmes, s’il en est un, le rejoigne dans son his­toire, res­tera libre de ne pas par­ta­ger ce point de vue exclusif.

L’auteur pré­cise que son but a été de « situer les poètes et leurs écrits dans les contextes socio-historiques qu’ils ont vécus. » But tout à fait louable mais trop par­tiel­le­ment suivi d’effet. L’avant-propos s’achève par une conclu­sion hédo­niste ─ « le plai­sir en matière de poé­sie devant tou­jours exis­ter d’abord, avant la quête intel­lec­tuelle » ─ qui semble para­doxa­le­ment se pla­cer aux anti­podes des prin­ci­paux traits de l’âme ven­déenne que l’auteur essaie constam­ment par ailleurs de déga­ger.
On peut consi­dé­rer que réduire la poé­sie au plai­sir est consi­dé­ra­ble­ment l’appauvrir et sou­hai­ter lui assi­gner au contraire un rôle de quête comme chez Rim­baud, une quête qui ne serait pas intel­lec­tuelle mais aven­ture, ainsi des Argo­nautes à la recherche de la Toi­son d’or.

Struc­ture du livre

Le pre­mier cha­pitre de cette histoire-anthologie de la poé­sie en Ven­dée est consa­cré à la période allant de la Renais­sance au XVIIe siècle. Si la Ven­dée n’existe que depuis la Révo­lu­tion comme l’affirme le pré­fa­cier, ce pre­mier cha­pitre ne serait-il pas hors sujet ? En fait, l’auteur iden­ti­fie pour ces siècles, sans le dire expli­ci­te­ment, la Ven­dée avec le Bas-Poitou et l’on y découvre le rôle cen­tral joué par Fontenay-le-Comte, qui en était alors la capi­tale, dans l’essor de la poé­sie. Fon­te­nay, ville huma­niste, mère de nom­breux poètes huma­nistes fami­liers du latin et du grec bien sûr mais aussi par­fois de l’hébreu.
On trouve dans cette par­tie des noms connus comme ceux de Nico­las Rapin ou d’Agrippa d’Aubigné tout en y fai­sant des décou­vertes comme celle d’Anne de Rohan dont la poé­sie touche par sa sin­cé­rité (« O beau jar­din qui m’a vu naître / Pour­quoi me vois-tu mou­rir ? »). De Jacques Bereau, qua­li­fié de « gen­til­homme cham­pêtre », on appré­cie le poème contre la guerre civile. Jacques de Billy nous invite à pen­ser à la mort. Parmi les thèmes domi­nants chez les poètes qui nous sont ici pré­sen­tés, on notera l’histoire romaine, la vie rus­tique ; l’Antiquité est le socle de leur culture avec la Bible, et le lyrisme imprègne cette poé­sie sou­vent his­to­rique.
Cer­taines notes expli­ca­tives n’auraient pas été inutiles pour éclai­rer des réfé­rences qui sans cela, pour le lec­teur ordi­naire, demeurent obs­cures. En refer­mant ce cha­pitre qui fait com­men­cer la poé­sie en Ven­dée à la Renais­sance, le lec­teur pourra se deman­der pour­quoi il n’y aurait eu aucun poète sur ces terres bas-poitevines avant.

Le second cha­pitre pré­sente un choix de poètes « des Lumières au roman­tisme ». Si la ville de Fontenay-le-Comte reste encore pré­sente, elle n’occupe plus une posi­tion aussi domi­nante que par le passé dans la poé­sie ven­déenne. La culture antique n’est plus aussi pré­gnante. L’attachement à la terre natale, la vie rurale, la nature, l’histoire ven­déenne, se mêle assez sou­vent avec lyrisme à l’inspiration reli­gieuse. D’origine noir­mou­trine, le poète Edouard Richer se détache par son ori­gi­na­lité. L’auteur de Mes pen­sées et de poèmes épars qui ne sont pas dénués de pro­fon­deur rap­pelle à l’homme la vacuité de ses ambi­tions : « le flam­beau » de qui croit « briller dans l’histoire » s’éteint bien vite.
Lucide sur notre condi­tion, la pen­sée poé­tique de Richer invite à n’avoir de sagesse que celle de « l’humanité du cœur ». Au XIXe siècle du roman­tisme, Charles-Edouard Gal­let regrette, à l’instar de Lamar­tine, que le temps ne puisse s’arrêter (« Beau temps de bon­heur et d’ivresse / Que ne peux-tu durer tou­jours ! ») tan­dis que Mar­cel de Brayer « aspire » de tout son être « vers l’inconnu ».

Le troi­sième cha­pitre, inti­tulé « La légende de la Ven­dée », n’est plus chro­no­lo­gique mais thé­ma­tique. Avec un tel thème où l’auteur per­çoit une com­po­sante impor­tante de l’âme de la Ven­dée, l’unité entre les poètes pré­sen­tés ne peut en être que plus grande. Outre le chant de l’épopée de ceux que l’on a appe­lés les Géants, des thèmes chers aux poètes ven­déens déjà ren­con­trés se font jour : l’humanisme, le tra­vail agri­cole, les pay­sages locaux, la nature, la reli­gion.
Quant au style, outre la pré­sence signi­fi­ca­tive du lyrisme, se mani­feste un réel atta­che­ment à la sim­pli­cité. Tan­dis qu’Alfred Giraud défi­nit la poé­sie comme « la sœur puî­née / De la phi­lo­so­phie », Basile Moreau, dans ses Géor­giques ven­déennes, invite à être fidèle à la foi de ses pères.

Dans le qua­trième cha­pitre, « Déca­dents et Huma­nistes », sont regrou­pés des poètes très dif­fé­rents et l’unité de l’ensemble est dif­fi­cile à sai­sir. Le peintre Gas­ton Chais­sac, dont les poèmes appa­raissent fort dif­fé­rents de ce qui se publie en poé­sie en Ven­dée à l’époque, voi­sine avec Cécile Sau­vage, mère d’Olivier Mes­siaen, dont les liens avec la Ven­dée res­tent minces mais dont la qua­lité poé­tique demeure remar­quable : « Croire que tout est bon parce que tout est beau », « Tu rêves et la terre est faite de ton rêve ». Le poète Fran­cis Eon, né à Fontenay-le-Comte, évoque dans son Art poé­tique « Ce qui reste d’azur dans le poème écrit » tan­dis qu’Antonine Coullet-Tessier fait preuve d’un lyrisme très retenu : « Je ne pen­sais à rien, je venais des sen­tiers / Pleins du tra­vail humain et des sen­teurs des vignes ».
Deux poètes sus­citent l’enthousiasme d’Alain Per­ro­cheau dans ce cha­pitre : Mar­cel Cha­bot qui, né à Paris, n’en célèbre pas moins la Ven­dée tout en culti­vant une veine huma­niste et Gil­bert Prou­teau, atta­ché à la nature, la terre natale, aux légendes, à l’expression lyrique, qui se trouve qua­li­fié par l’auteur de très vendéen.

Le cha­pitre sui­vant, « De l’enfance à l’universel », s’efforce de regrou­per des poètes ayant, d’une manière ou d’une autre, accordé une impor­tance par­ti­cu­lière à l’enfance. Pierre Menan­teau, pour qui « Le poète se tient à la vitre des mots », se montre sen­sible à la nature tout en culti­vant une esthé­tique de la sim­pli­cité. Née à Paris, Clod’Aria a ensuite vécu dès l’enfance en Ven­dée, à la recherche d’une vérité plei­ne­ment humaine, « avec du vent [bâtis­sant] des poèmes ».
Du Sablais Jacques Char­pen­treau, qui fut pré­sident de la Mai­son de la Poé­sie à Paris, on pourra être sen­sible au son­net Un inconnu qui dénonce avec talent les tyrans et témoigne avec sin­cé­rité de son ami­tié pour Jacques Salo­mon avec lequel le poète pre­nait le métro et qui por­tait à qua­torze ans l’étoile jaune.

Dans le cha­pitre VI, « Du lyrisme reli­gieux aux poètes phi­lo­sophes », on ren­contre des poètes por­teurs de poé­sies très dif­fé­rentes, voire anti­no­miques. Leur lien à la phi­lo­so­phie peut être claire ou anec­do­tique, voire dif­fi­ci­le­ment per­cep­tible. Georges Duret, poète pro­fes­seur de phi­lo­so­phie, cha­noine résis­tant jusqu’à la mort, per­son­na­lité atta­chante, cher­chait avec force dans le cré­pus­cule le com­men­ce­ment de l’aurore. La poé­sie d’Eusèbe de Bré­mond d’Ars, défen­seur de la lit­té­ra­ture catho­lique, est impré­gnée d’un lyrisme qui n’est pas sans pro­fon­deur. L’auteur de La Ven­dée, Louis Chaigne, lui aussi œuvrant pour la renais­sance des lettres catho­liques, est sur­tout connu pour ses ouvrages en prose où il excelle, se révé­lant sans doute ici comme l’un des meilleurs écri­vains ven­déens.
Pour ce qui est de ses poèmes pré­sen­tés dans cette antho­lo­gie his­to­rique, si l’on peut être sen­sible au sens du mys­tère qui y affleure sou­vent, ils ne paraissent pas aussi convain­cants que sa prose. Jean Rivière, le poète pay­san, chantre des tra­vaux et des jours, tel un Hésiode ven­déen, a su conju­guer une grande maî­trise et ori­gi­na­lité de la langue avec la pro­fon­deur du sens. « Nous avons résolu de vivre heu­reux sur les terres arables » affirme l’auteur de La vie simple, dont le lyrisme de la terre reste impré­gné d’une lumière mys­tique. Sans doute trouve-t-on avec ce poète l’une des plus belles incar­na­tions de ce que l’on pour­rait appe­ler l’âme ven­déenne.

L’écri­ture de Paul Tou­blanc conjugue de manière apho­ris­tique poé­sie et phi­lo­so­phie : « Faire en sorte que chaque aube qui vient soit le pré­lude d’une jour­née qui se dérou­lera comme une vic­toire de l’être sur le néant. » Louis Dubost, seul auteur de cette antho­lo­gie à être pré­senté deux fois, en tant que poète ici, en tant qu’éditeur à la fin, aurait sans doute mieux trouvé sa place dans le cha­pitre sui­vant évo­quant des iti­né­raires sin­gu­liers, sa poé­sie s’éloignant des thèmes les plus fré­quents chez les poètes de l’anthologie. Charles d’Estève, qui asso­cie volon­tiers vers et apho­risme, défi­nit avec finesse le poète comme « cise­leur d’indicible ».
Quant à Ber­nard Gras­set, dont l’auteur de l’anthologie affirme qu’il pro­longe la tra­di­tion des poètes ven­déens en quête d’absolu, ─ serait-il parmi les der­niers ? se demandera-t-on au terme de la lec­ture de cette antho­lo­gie – il sou­ligne, dans un sobre lyrisme, que « s’éloigne du gouffre / Celui qui tisse le poème. » Jigmé Thrinlé Gyatso, poète et moine boud­dhiste, met en avant « la sim­pli­cité silencieuse ».

Le cha­pitre VII traite donc d’itinéraires qua­li­fiés de « sin­gu­liers ». Parmi ceux-ci, deux écri­vains qui doivent avant tout leur pré­sence ici à leur noto­riété dans le domaine de la prose et qui n’ont cultivé l’art poé­tique que de manière, sinon acci­den­telle, du moins mar­gi­nale. Sans doute n’étaient-ils pas pri­vés de talent en la matière mais ce mode d’expression ne leur a pas paru expri­mer leur vrai rap­port à l’écriture. Ainsi de Michel Ragon, ainsi d’Yves Viol­lier. Avec le poète yon­nais Jean Bou­hier, figure impor­tante de l’Ecole de Roche­fort, la poé­sie, sen­sible à la nature, la vie, l’amitié, se teinte d’humanisme : « A la porte entrou­verte / Un simple ami / Que l’on attend ».
En ce qui concerne James Sacré, Alain Per­ro­cheau, en le pré­sen­tant, le met au pinacle comme dans son avant-propos. Mais, le lec­teur, s’il peut admi­rer l’originalité du lan­gage, mêlant sim­pli­cité et rup­tures ryth­miques, de celui qui écrit que « Le silence empêche le cœur / De pen­ser au temps, c’est vrai­ment le silence », reste libre de por­ter un autre juge­ment en fonc­tion d’une autre esthé­tique et d’une autre éthique.

L’avant-dernier cha­pitre, « La poé­sie en par­lan­jhe », est, serait-ce un para­doxe?, le mieux écrit, celui où il y a le moins de fautes. On regret­tera que les poèmes figu­rant dans ce cha­pitre, ou au moins cer­tains d’entre eux, ne soient pas en bilingue, ce qui les rend inac­ces­sibles pour les per­sonnes exté­rieures à la Ven­dée, ou même pour celles qui y vivent mais n’ont pas été impré­gnés d’une manière ou d’une autre par la langue poi­te­vine. Curé de cam­pagne, Fran­çois Gus­teau défend cette langue en même temps qu’il défend les pauvres.
Jacques-Laurent Paliau, notaire, juge de paix mais aussi musi­cien, a su témoi­gner d’un huma­nisme géné­reux. Né à Saint Michel-Mont-Mercure, apôtre d’un huma­nisme conju­guant sim­pli­cité et fierté, Eugène Cha­rier, s’il aimait écrire en patois, n’en connais­sait pas moins le grec et le latin, ainsi que plu­sieurs autres langues. L’attachement au ter­roir natal est ce qui, le plus sou­vent, relie les poètes écri­vant en poi­te­vin. Chez Michel Gau­tier, pro­fes­seur de lettres, la défense de la langue poi­te­vine pren­dra une dimen­sion intel­lec­tuelle, réfléchie.

Le neu­vième et der­nier cha­pitre est consa­cré aux « Mou­ve­ments et édi­tions pour la Poé­sie en Ven­dée ». Très longue, une cen­taine de pages, citant beau­coup de poètes, on ne peut ici qu’en don­ner une vue syn­thé­tique. Se trouve d’abord mis en évi­dence le rôle de La Revue du Bas-Poitou. Parmi les thèmes évo­qués par les poètes qui y furent accueillis, ceux de la légende ven­déenne, la nature, la fra­gi­lité humaine, l’attachement au passé, le tra­vail de la terre, la foi chré­tienne. Quant au style, le lyrisme occupe tou­jours une place pré­pon­dé­rante. Chez le méde­cin, pas­sionné de radio­lo­gie, Joseph Gas­ton qui chante « la sou­ve­nance chère / De la vieille ber­ceuse aux dou­ceurs de prière », Alain Per­ro­cheau voit incar­née « la tra­di­tion des poètes ven­déens », entre le XIXe et le XXe siècle, où l’attachement à la reli­gion se mêle à celui pour la Ven­dée.
Jacques Nan­teuil guette « Le reflet bleu de l’infini ». L’auteur situe Paul Fillon, qui dans Le semeur chante « Ce que le sol contient d’espérance et d’amour » et dans Le sou­ve­nir se peint rêveur, « heu­reux d’un songe calme et doux », « au cœur de l’âme ven­déenne ». Pour Pierre d’Angles, le « rêve pay­san est rem­pli d’espérance » et le « sang chante l’amour ».

Le pas­sage de La Revue du Bas-Poitou aux édi­tions du Dé bleu, sans tran­si­tion, est un peu abrupt. Alain Per­ro­cheau qui, en 2013, affir­mait à l’occasion d’un col­loque sur la Ven­dée lit­té­raire que ces édi­tions avaient « au total, publié rela­ti­ve­ment peu d’auteurs ven­déens », en pré­sente ici sept dont deux femmes et qui pour la plu­part, selon les indi­ca­tions don­nées, ont peu publié ailleurs. Parmi ces poètes aux uni­vers et aux lan­gages dif­fé­rents, l’écriture de Jean-Damien Chéné qui s’interroge « Où le sens ? » n’est pas dénuée d’originalité, d’inattendu. D’une manière géné­rale, l’éditeur paraît avoir plus effec­tué ses choix en fonc­tion de la qua­lité du lan­gage qu’en fonc­tion de la réso­nance du sens.
C’est ensuite au tour des édi­tions Soc et Foc qui ont publié de nom­breux Ven­déens, dit l’auteur, d’être pré­sen­tées. A l’origine de cette belle aven­ture édi­to­riale, née à La Meilleraie-Tillay, aux envi­rons de Pou­zauges, dont la marque dis­tinc­tive était la réa­li­sa­tion de livres soi­gnés, d’une grande qua­lité esthé­tique, asso­ciant poètes et illus­tra­teurs et qui devint col­lec­tive, se trouve Claude Bur­neau, poète, conteur, trop tôt dis­paru. Parmi les poètes pré­sen­tés, Mylène Jou­bert qui sera la der­nière res­pon­sable de Soc et Foc, édi­tions qui se signalent dans le pay­sage poé­tique ven­déen par un huma­nisme poé­tique, sans ambi­tion que celle de rap­pro­cher les hommes à par­tir de la beauté des mots et des images.

Autre édi­teur de poé­sie en Ven­dée, Echo Optique, mais de manière bien moins conti­nue. Parmi les poètes publiés, on note de nom­breux auteurs ven­déens. Pour Régine Albert, « (…) le vent est bleu. Le mys­tère demeure » tan­dis que pour le prêtre-poète Thierry Piet « Au secret de nous-mêmes / l’Insaisissable nous sai­sit ». Chez les poètes ran­gés par l’auteur dans la caté­go­rie un peu for­melle de Poètes publiés chez des édi­teurs ven­déens dif­fé­rents, on ren­contre une belle for­mule de Lise Lundi-Cassin : « Ecrire appri­voise la mort. »
Suit une évo­ca­tion de L’Essor poé­tique où Irène Devaux joua un rôle essen­tiel. On retrouve la sim­pli­cité, le lyrisme, l’humanité. Après une évo­ca­tion de l’initiative ori­gi­nale de « Poé­sies nomades » de Rolande Haug­mard, Gérard Gla­meau et Jean-Pierre Maj­zer, le livre se conclut par une pré­sen­ta­tion, confiée à la plume d’Yves Viol­lier, d’Alain Per­ro­cheau qui che­mine « jusqu’aux sources de l’être » et son édi­teur qui, « entre le faire et l’avoir, cherche […] l’être ».

Les poètes et la Vendée

Après avoir esquissé une syn­thèse de cette antho­lo­gie his­to­rique de la poé­sie ven­déenne, il peut être utile de por­ter un regard plus ana­ly­tique. Parmi les poètes pré­sen­tés, on dis­tingue quatre grandes caté­go­ries : les poètes qui sont nés, ont vécu et sont morts en Ven­dée ; les poètes qui sont nés en Ven­dée, ont vécu ailleurs puis y sont reve­nus ; les poètes nés en Ven­dée, y ont vécu quelques années puis se sont défi­ni­ti­ve­ment exi­lés ; des poètes nés ailleurs et qui se sont ins­tal­lés ensuite en Ven­dée à une date plus ou moins tar­dive. On le voit, le rap­port à la Ven­dée varie sen­si­ble­ment. Parmi ces poètes venus d’ailleurs, cer­tains se sont spon­ta­né­ment sen­tis en har­mo­nie avec ce que l’auteur appelle l’âme ven­déenne, d’autres lui sont res­tés étran­gers.
Quand on regarde du côté du milieu social des poètes de l’anthologie, c’est la bour­geoi­sie qui de loin domine. Les poètes sont sou­vent fils d’industriels, d’hommes de négoce, de mili­taires, de méde­cins, de fonc­tion­naires. Plus rares sont les poètes issus de la noblesse, raris­simes les poètes appar­te­nant à un milieu d’ouvriers ou d’artisans. On peut lire les vers dans l’anthologie de sept poètes dont l’origine pay­sanne ou vigne­ronne est expli­ci­te­ment men­tion­née. Même si ce chiffre repré­sente une petite mino­rité, il n’en est pas moins signi­fi­ca­tif et pour­rait consti­tuer une ori­gi­na­lité locale. A l’image de ce qui existe au niveau de la France, les poètes de Ven­dée sont très majo­ri­tai­re­ment des ensei­gnants (du pro­fes­seur d’université à l’instituteur en pas­sant par le pro­fes­seur de col­lège ou lycée). Parmi les autres pro­fes­sions exer­cées par les poètes, on ren­contre celles de fonc­tion­naire ou gra­vi­tant autour du livre.

Refrains

Si l’on essayait de déga­ger les traits les plus saillants de la poé­sie des auteurs accueillis dans cette his­toire de la poé­sie en Ven­dée, de la manière la plus objec­tive, nous aurions peut-être là les prin­ci­paux élé­ments qui ont consti­tué l’esprit de ce dépar­te­ment qui a des allures de pro­vince. Qu’est-ce que cette « cou­leur ven­déenne », ces « vers d’un carac­tère net­te­ment ven­déen » dont nous parle Alain Per­ro­cheau ?
Au niveau géo­gra­phique, les poètes aiment chan­ter les pay­sages ven­déens, les terres cer­clées de haies, les che­mins creux. Comme il y a des vins de ter­roir, cette poé­sie appa­raît sou­vent comme une poé­sie de ter­roir. « — Bocage de Ven­dée ! O glo­rieuse terre / Qui donc fera sen­tir ton charme et ton mys­tère ? » s’exclame Emile Gri­maud. A l’image d’un dépar­te­ment resté long­temps très rural, les poètes célèbrent volon­tiers la vie pay­sanne, s’imprègnent de la culture des tra­vailleurs de la terre. Basile Moreau fait ainsi rimer dans ses Géor­giques ven­déennes « chant » avec « champ » : « Sois ma muse, ô Ven­dée ! Inspire-moi des chants, / Dignes de mon pays et du bel art des champs ! » L’attachement à la nature, sou­vent pré­gnant chez les poètes pré­sen­tés, s’inscrit dans le pro­lon­ge­ment du goût du pays natal.

Au niveau de l’histoire, la légende ven­déenne occupe une place impor­tante dans cette poé­sie. Les guerres de Ven­dée irriguent alors des vers qui entendent dans le pré­sent l’écho du passé et prennent le ton de l’épopée. La terre bocaine où fleu­rissent les genêts est per­çue comme une terre de géants. A cette impré­gna­tion de la conscience des poètes par cette his­toire tumul­tueuse, tra­gique, s’ajoute celle de la reli­gion catho­lique dont Alain Per­ro­cheau sou­ligne l’importance sécu­laire dans la vie des hommes de Ven­dée.
Il note aussi le res­pect du passé, des ancêtres, le goût des tra­di­tions, l’attachement aux racines, aux anciennes valeurs, une forme de nos­tal­gie des contrées natales. Il y a une poé­sie dolente des soirs d’antan. « Des jours qui ne sont plus » demeurent « les mys­tères », ainsi que l’écrit Edouard Richer. La fidé­lité se dévoile comme un trait signi­fi­ca­tif de l’âme vendéenne.

Si l’on regarde main­te­nant du côté du style, on est frappé par un art que l’on qua­li­fie­rait de la sim­pli­cité. Le plus sou­vent les poètes de cette antho­lo­gie rejettent le ver­biage, l’artifice, le super­fi­ciel. Si « La vie est faite de choses simples », comme l’écrit Jean Rivière, le lan­gage poé­tique qui la tra­duira devra culti­ver la sim­pli­cité.
Autre trait sty­lis­tique domi­nant dans les poèmes de cette antho­lo­gie : le lyrisme. La nature, l’histoire, les pay­sages du pays natal ou d’adoption, la vie tout sim­ple­ment, font sou­vent naître des poèmes par­cou­rus d’un souffle lyrique. La poé­sie qui se donne ainsi à décou­vrir est une poé­sie qui chante.

Sans pré­tendre à l’exhaustivité, nous évo­que­rons pour finir deux traits com­plé­men­taires qui appa­raissent de manière régu­lière et signi­fi­ca­tive. Tout d’abord, l’humanité. Les che­mins emprun­tés par les poètes de Ven­dée mènent sou­vent à l’homme, leurs vers sont sou­vent tein­tés d’humanité, d’une huma­nité pro­fonde. Il y a une atten­tion simple, juste, à l’humain, un élan de lim­pi­dité nourri d’humanité. « Mais je fus, pour autrui, sans ran­cœur et sans haine… » écrit en un bel alexan­drin Jean L’Hiver. Sans doute pour cette poé­sie ven­déenne qui donne toute sa place à l’amour, n’est-il de sagesse que dans un cœur vrai­ment humain.
Der­nier trait impor­tant : l’attirance pour le sacré. Le che­min vers l’humain mène au divin. C’est comme si le pro­fane ne s’éclairait que par le sacré, la nature par la sur­na­ture. Une voix inté­rieure, douce, semble conduire le poète au mys­tère. Sou­cieux du pro­fane, il l’allie au sacré. Pétrie d’humanité, fer­vente, la poé­sie revêt alors la cou­leur du mystère.

Tels appa­raissent les thèmes récur­rents de cette His­toire et antho­lo­gie de la poé­sie en Ven­dée. Si on veut bien y voir les élé­ments essen­tiels qui com­po­se­raient ce que l’auteur appelle l’âme de la Ven­dée, force est de recon­naître que l’évolution récente de la poé­sie dans ce dépar­te­ment situé aux marches de l’Anjou, de la Bre­tagne et du Poi­tou, influen­cée par le règne de la sécu­la­ri­sa­tion et du bris de la mémoire qui s’étend sur la société, a conduit à effa­cer nombre de ces élé­ments.
L’attachement à la légende ven­déenne a dis­paru, le goût des tra­di­tions, du passé, s’est éva­poré, l’enracinement dans une his­toire, un ter­roir, se sont étio­lés, le sens du sacré s’est retiré. L’entrée de la poé­sie ven­déenne dans un lan­gage moderne, loin des rimes et rythmes anciens, a sou­vent coïn­cidé avec une forme d’assimilation de la poé­sie locale avec la poé­sie natio­nale, alors que le lien entre moder­nité du style et sécu­la­ri­sa­tion du sens est loin d’être struc­tu­rel et qu’une poé­sie au lan­gage contem­po­rain peut très bien, tout aussi bien, voire mieux, être une poé­sie de la mémoire et de l’écoute.

Les poètes de la Ven­dée ne se dis­tinguent plus aujourd’hui des autres poètes. On peut le déplo­rer ou s’en réjouir. Quelques rares poètes ont cher­ché, tout en usant d’un lan­gage moderne, à conser­ver les traits les plus pro­fonds de l’histoire de la poé­sie en Ven­dée mais cette excep­tion aura-t-elle encore des héri­tiers ? L’histoire de la poé­sie en Ven­dée ne ressemblerait-elle pas à l’histoire de l’agonie de ce qui fut au centre de l’inspiration des poètes pen­dant si long­temps ? L’auteur ne se pose pas cette ques­tion mais à la lec­ture de son livre, il est légi­time de se la poser.
De même il défend avec ardeur ce qu’il appelle l’âme ven­déenne tout en met­tant au pinacle tel ou tel poète, ou édi­teur, qui se sent tout à fait étran­ger à ce que cette notion peut recou­vrir. L’âme de la Ven­dée est-elle une réa­lité que le temps efface peu à peu, une fic­tion, une construc­tion par­ti­sane, ou un rêve, un pos­sible, une vérité, un hori­zon ? Une fer­me­ture sur son ter­ri­toire ou une ouver­ture à l’inconnu ? Une espérance…

Remarques cri­tiques

* Fautes et erreurs

Tout lec­teur atten­tif ne peut man­quer d’être frappé par le grand nombre de fautes et d’erreurs que com­porte cette somme his­to­rique sur la poé­sie ven­déenne des der­niers siècles. Les fautes sont de dif­fé­rentes natures. Il y a des erreurs de ponc­tua­tion, des fautes de typo­gra­phie, des fautes de syn­taxe, des fautes sty­lis­tiques, des erreurs dans les dates, les noms, les indi­ca­tions bio­gra­phiques, biblio­gra­phiques. Si fautes et erreurs sont les plus nom­breuses dans les pré­sen­ta­tions des poètes, le texte même des poèmes dont la lec­ture est pro­po­sée au lec­teur n’en est pas exempt. Les erreurs de ponc­tua­tion depuis le guille­met ou le point man­quant jusqu’à la vir­gule au lieu du point sont de l’ordre de la cen­taine. Régu­lières sont les fautes de typo­gra­phie avec notam­ment des mots scin­dés en deux par un tiret.
Par indul­gence, on fera grâce à l’auteur des oublis d’accents cir­con­flexes. Quant aux fautes de syn­taxe, leur nombre avoi­sine les deux cents. On pourra citer à titre d’exemples ; « et demande joli­ment si l’on peut-on don­ner l’un sans l’autre » (p. 54) ; « Michel Ragon qui dit dans de lui dans son His­toire de la lit­té­ra­ture pro­lé­ta­rienne » (p. 257) ; « pour écrire comme se recon­naît, pour une quête intime de l’espace et le temps trop confiné de l’humain. » (p. 634)… Page 221, l’auteur parle au sujet de la légende de la Ven­dée de sa « mag­ni­fi­ca­tion », mot qui pour­rait plus rele­ver du bar­ba­risme que du néologisme.

Fautes de syn­taxe et fautes sty­lis­tiques finissent par se confondre comme dans « Le texte doit lever et éle­ver et le poème et accède à son noble des­tin par le jeu du sens et du son. » (p. 615). A pro­pos du style, on pourra regret­ter un ton par­fois trop fami­lier avec des expres­sions comme « l’œuvre vaut fran­che­ment le coup », « plus d’une tren­taine s’il vous plaît », « excu­sez du peu », de même qu’une uti­li­sa­tion sou­vent trop exces­sive de la méta­phore comme, parmi tant d’autres exemples : « le poète s’y fond avec le ravis­se­ment d’un élé­ment cos­mique qui refuse de dou­ter » ; « les soli­tudes errent (…), comme autant d’isolements nocturnes ».

On ren­contre aussi des erreurs dom­ma­geables sur les noms de poètes. Ainsi l’auteur grec Lucien devient-il l’auteur latin Lucian, Fran­çois Cop­pée Fer­nand Cop­pée, Eugène Guille­vic André Guille­vic. On nous parle du « grand Paul Valry ». D’autres erreurs se ren­contrent sur les noms propres. Cha­rette est tan­tôt écrit Char­rette comme la char­rette tirée par des bœufs, tan­tôt selon la bonne ortho­graphe qui convient au géné­ral ven­déen, et l’on ren­contre par­fois les deux ortho­graphes au sein du même poème, au choix du lec­teur. Des erreurs concernent les lieux de nais­sance ou les titres d’ouvrages attri­bués à des poètes, des indi­ca­tions rela­tives à leurs vies.
On note aussi des erreurs dans le domaine de la culture. Ainsi saint Isi­dore est-il consi­déré comme un Père grec alors qu’Espagnol, il a tou­jours été compté comme un Père latin. Le lec­teur se deman­dera, à bon droit, com­ment Cathe­rine de Bavière dont on nous dit qu’elle est « née en 1850 » a pu mou­rir « en couches en 1607 », ou encore com­ment Anne de Rohan a pu naître « en 1854 » de Cathe­rine de Par­the­nay née en 1554 (p. 77–78). Ou encore com­ment Emile Gri­maud a bien pu « port[er] fiè­re­ment jusqu’en juin 1801 » le titre de « che­va­lier de l’Ordre de Saint-Grégoire le Grand » que lui avait conféré le pape Léon XIII « en 1888 » (p. 197).
On dira que ce sont des coquilles. Certes, mais c’est l’accumulation des coquilles, des fautes de syn­taxe, de style, de ponc­tua­tion, d’orthographe qui fait qu’il n’y a guère de pages qui en soient exemptes, c’est cette accu­mu­la­tion de fautes, dont par bien­veillance nous n’avons cité que de courts exemples, qui jette des ombres sur ce long tra­vail et donne l’impression, que l’on espère fausse, d’une maî­trise insuf­fi­sante de la langue fran­çaise ainsi que du maté­riau exploité. Dom­mage, dom­mage, dom­mage… Tout cela aurait pu être évité par une relec­ture lente et soi­gneuse et par l’aide appor­tée par un lecteur-correcteur. On pourra s’étonner que l’éditeur, dont on ne peut pas dou­ter qu’il ait lu l’ouvrage, n’en ait pas pris conscience, ni que les écri­vains ayant sou­tenu, à juste titre, le pro­jet n’en aient pas averti ami­ca­le­ment l’auteur.

* Oublis

L’on sait qu’il n’est guère d’anthologie qui ne prête le flanc à une cri­tique concer­nant des auteurs oubliés. Si Alain Per­ro­cheau connaît très bien la poé­sie en Ven­dée et son ouvrage en témoigne, s’il s’efforce de la ser­vir, son action cou­ra­geuse l’atteste, on s’étonnera de cer­taines absences inex­pli­quées, inex­pli­cables. Ainsi de Cathie Bar­reau, publiée chez des édi­teurs de réfé­rence, y com­pris en poé­sie, et qui, du temps où elle diri­geait la Mai­son Guef­fier à La Roche-sur-Yon, aimait don­ner la parole aux poètes de Ven­dée, dans un esprit d’ouverture et une volonté d’exigence. Marie-Geneviève Lavergne, poète, chan­teuse, qui fit par­tie de l’équipe diri­geante de Soc et Foc et publia aussi de la poé­sie, n’est pas men­tion­née, ni dans les pages consa­crées à cet édi­teur, ni comme poète.
L’auteur de l’histoire antho­lo­gique paraît igno­rer l’existence de la revue de poé­sie Mot à maux, implan­tée à Talmont-Saint-Hilaire et diri­gée par Daniel Bro­chard, poète par ailleurs. En matière de poé­sie moderne, c’est la seule revue de poé­sie exis­tant en Ven­dée et il aurait été juste que cette entre­prise cou­ra­geuse soit évo­quée. La revue en ligne Lelitteraire.com, éga­le­ment implan­tée à Talmont-Saint-Hilaire et diri­gée par Fré­dé­ric Grol­leau, aurait pu être men­tion­née dans la mesure où elle accorde, avec un réel souci de qua­lité, une place constante aux cri­tiques poé­tiques. Parmi les autres poètes oubliés, on pourra men­tion­ner Jac­quy Joguet dont la plume ne manque pas de vertu, ou encore Thierry Jouet, le poète pay­san à la voix forte et empreinte d’humanité.

Sans doute n’aurait-il pas été inutile d’user de cri­tères objec­tifs comme le nombre de recueils publiés, la qua­lité recon­nue des édi­teurs, le niveau d’audience des revues dans les­quelles ils ont été publiés, afin d’être le plus com­plet et le plus juste pos­sible dans le regard porté sur les poètes. Le choix de mettre, de manière sub­jec­tive, sinon arbi­traire, quelques visages de poètes en cou­ver­ture, par­fois por­teurs d’une concep­tion de la poé­sie anti­no­mique, paraît s’opposer d’une part au fil direc­teur de l’auteur qui cherche à mettre en avant des traits réunis­sant les poètes de son antho­lo­gie et aux­quels il donne le nom d’« âme ven­déenne », d’autre part à sa louable volonté inlas­sa­ble­ment répé­tée au long du livre de sor­tir de l’oubli, faire décou­vrir, des poètes oubliés, mécon­nus.
Une der­nière cri­tique qui, comme les pré­cé­dentes, n’a d’autre objec­tif que de des­si­ner l’espace d’une his­toire antho­lo­gique plus accom­plie. L’auteur manque de recul, de dis­tance. S’il connaît bien la poé­sie à l’échelon ven­déen, il semble la connaître moins, si ce n’est de seconde main, à l’échelon natio­nal. Une telle connais­sance aurait per­mis de hié­rar­chi­ser, nuan­cer, fon­der cer­tains de ses juge­ments trop dithy­ram­biques par manque de dis­tance et de science cri­tique. Quant à la pro­messe évo­quée dans l’avant-propos de relier la poé­sie à l’histoire, elle n’a été que trop peu sui­vie d’effets. En met­tant davan­tage en regard l’histoire de la poé­sie en Ven­dée avec l’histoire de la poé­sie à l’échelon natio­nal, en les com­pa­rant, il aurait été inté­res­sant de voir en quoi elle s’en dis­tin­guait et en quoi depuis quelques décen­nies sa spé­ci­fi­cité paraît avoir disparu.

* Un géné­reux projet

Si notre devoir de cri­tique nous a obli­gée de poin­ter, dans un esprit de bien­veillance et construc­tif, tout ce qui dans ce livre l’empêchait de rem­plir plei­ne­ment sa mis­sion, tout ce qui fai­sait obs­tacle à l’atteinte de l’objectif qu’il s’était fixé, il n’en faut pas moins recon­naître, par volonté de jus­tice, ce qui donne sens à sa lec­ture et au fait que l’on puisse pas­ser de nom­breuses heures, des jours, des mois à sa décou­verte et son étude. L’apport le plus signi­fi­ca­tif de cette antho­lo­gie tient avant tout dans l’abondance du maté­riau qu’il met à la dis­po­si­tion de qui vou­drait se pen­cher sur l’histoire de la poé­sie en Ven­dée.
Des pistes sont tra­cées, des clas­se­ments pro­po­sés, des che­mins explo­rés, de mul­tiples occa­sions de décou­vertes d’auteurs oubliés se pré­sentent grâce au tra­vail d’Alain Per­ro­cheau. Il devient pos­sible à par­tir de là de conti­nuer l’exploration, l’enrichir, la déve­lop­per, la struc­tu­rer et de por­ter de nou­veaux regards sur cette his­toire. En contre­point à la mise en valeur de l’important maté­riau apporté par l’auteur de l’His­toire et antho­lo­gie de la poé­sie en Ven­dée, il convient aussi de sou­li­gner le cou­rage, la téna­cité, la géné­ro­sité, néces­saires pour se lan­cer dans une telle aven­ture et la mener à son terme. On évo­quera enfin la jus­tesse fré­quente des intui­tions éma­nant du com­men­taire cri­tique de l’auteur à côté de quelques erreurs de vue et de jugement.

En guise de conclusion

Il est temps de conclure ce qui ne devait être qu’une recen­sion que l’on m’avait demandé d’écrire et est devenu, tant le sujet est riche, une étude.
« Il y a une seule Ven­dée par l’âme. La réa­lité de l’âme a consti­tué la Ven­dée » écri­vait Louis Chaigne au début de son livre atta­chant consa­cré à la Vendée.

Telle une flamme veillant au seuil du mys­tère serait l’âme ven­déenne. A pro­pos de La Revue du Bas-Poitou, Alain Per­ro­cheau évo­quait l’idée de « retrou­ver l’authenticité d’une âme ven­déenne ». Mais quelle est cette authen­ti­cité, com­ment la recon­naître ?
Et si au fond ce qui impor­tait dans l’art des mots, c’était l’authenticité d’une parole poé­tique. Une poé­sie qui chante, habi­tée d’une mémoire, d’une aurore.

L’auteur de l’His­toire et antho­lo­gie de la poé­sie en Ven­dée, par ses choix de lec­tures et ses com­men­taires, apporte des élé­ments de réponse concer­nant ce qui a pu carac­té­ri­ser l’art des poètes ven­déens pen­dant ces der­niers siècles mais tout ceci n’est-il pas en train de dis­pa­raître ou de prendre de nou­veaux visages ? Des traces trans­fi­gu­rées par la révo­lu­tion du temps. Si une nou­velle his­toire de la poé­sie en Ven­dée parais­sait dans deux ou trois siècles, nul ne peut savoir ce qui, des siècles pré­cé­dents, sub­sis­te­rait des thèmes qui étaient chers à nombre de poètes ven­déens. On peut sim­ple­ment espé­rer que vibrent encore des chants pétris d’humanité et hos­pi­ta­liers à une forme d’invisible.
Pour l’heure, il reste des poètes, des voix poé­tiques, des chants, qui peuvent encore, pour les plus authen­tiques, nous tou­cher aujourd’hui et que la prin­ci­pale vertu de cette His­toire et antho­lo­gie de la poé­sie en Ven­dée est de sor­tir de l’oubli et nous per­mettre de (re)découvrir.

Héléna Duparc

Alain Per­ro­cheau, His­toire et antho­lo­gie de la poé­sie en Ven­dée, Le Jaros­set, 2020, 674 p. - 24,00 €.

notes :

1. Pour ce qui est de la Ven­dée Mili­taire, Emile Gabory la défi­nis­sait de son côté comme la confluence de trois pro­vinces : la Bre­tagne, l’Anjou, le Poi­tou, confluence qui aurait laissé ses traces dans l’âme ven­déenne.
2.  «Et si quelques poètes portent une robe, c’est le plus sou­vent une sou­tane…» écrit-il ainsi. En vérité, il y a huit ecclé­sias­tiques, un moine boud­dhiste, pour vingt-et-une femmes poètes. L’histoire pré­sen­tée dans le livre com­men­çant à la Renais­sance, il n’était sans doute guère pos­sible à l’auteur, étant donné le petit nombre de femmes poètes avant l’époque contem­po­raine où elles sont heu­reu­se­ment plus nom­breuses, de faire beau­coup plus en la matière.

 

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