Panique à bord
Dans cette exposition de diverses séries dont “Les Microcosmes”, Lamouroux semble créer, entre autres, un rappel de “L’armée de terre cuite” de près de huit mille statues de soldats et chevaux représentant les troupes de Qin Shi Huang, le premier empereur de Chine.
Elles désignent là-bas une forme d’art funéraire. Il se peut donc que l’artiste s’en soit inspiré mais pour laisser espérer un élan vital.
Les pièces de son théâtre non seulement ne sont pas uniformes mais leurs matières premières sont transformées par la force des éléments premiers : feu, air, eau.
Le plastique et le bitume sont aussi de la partie pour métamorphoser des scènes où tout semble provenir de l’enfoui non dans un but de monumentation mais pour réanimer le vivant dans une économie de moyens.
Pour cette nouvelle exposition à la Galerie Isabelle Gounod, Lamouroux rassemble les notions d’identité et de territoires en créant un lien entre la peau et l’écorce terrestre. Dès lors et désormais, si le temps passe, tout est à reprendre. La terre. Son extase. Sa mort.
Le faut-il ? Il le faut.
C’est pourquoi l’artiste aborde les questions des transformations et des cycles, là où les surfaces altérées laissent apparaître des abymes. Des paysages humains recouverts de matière organique s’élèvent avant de se dissoudre et de réintégrer des couches originelles.
Quant aux “Cartographies éruptives” et aux “Cartographies telluriques”, elles deviennent des concrétions mystérieuses qui sous leurs apparences d’imperméabilité paraissent néanmoins spongieuses ou poreuses au vivant.
Et ce, même si des silhouettes standardisées, disposées en série semblent s’inscrire en faux contre tout débordement animé. Elles demeurent néanmoins en tant que traces qui ignorent le temps.
Et la réplique plastifiée du corps de l’artiste ( leitmotiv de son œuvre), ici en position fœtale, semble se bander face aux dystopies actuelles : en une sorte d’accouchement dorsal, des volumes jaillissent même si ensuite ils se stratifient.
L’ensemble (complété par les “Boules à neige”) devient le spectacle du chambardement micro et macrocosmique auquel nous assistons ou que nous subissons. Avec Lamouroux, une mutation est en marche. L’artiste en indique des prémices aussi ludiques qu’inquiétants.
Existe donc sous effets de différentes surfaces bien des profondeurs et surtout des hantises dont nous ne pouvons faire l’économie.
Sous les carapaces ouvertes, le regard se renverse en un va-et-vient entre le dedans et le dehors, l’invisible et le visible, le colmatage et ce qui s’en dégage. Tout s’empare du bâti de l’espace. Partout apparaissent des seuils ou des catafalques. Diverses gangues retrouvent et retournent leurs abysses sans pouvoir dire ce qui va advenir.
Nous ne sommes plus à l’abri de la défaillance panique. Même si un espoir semble encore être accordé.
Il faut en accepter le présage.
jean-paul gavard-perret
Florent Lamouroux, CorpsÉcorce, Galerie Isabelle Gounod, Paris, du 12 février au 12 mars 2022.
En bref l’identité dans la carte et le territoire . En avant , marche …
Excellent commentaire composé de JPGP sur un artiste singulier .