Ed & Nancy Kienholz (exposition)

Quand le leurre se retourne

Edward et Nacy Kien­holz res­tent des grands artistes mécon­nus du siècle der­nier. Avec eux se touche le pou­voir mys­té­rieux que l’art a d’inventer. De la peseuse de perles de Ver­meer aux énig­ma­tiques pros­ti­tuées des deux artistes, un lien se pour­suit : celui de la péné­tra­tion de l’intimité.
Se découvre moins la femme que le voyeur. Edward et Nacy Kien­holz parlent de la folle du logis qui habite la psy­ché de celui qui regarde. Existe là recour­be­ment figu­ra­tif pour mettre à jour les tares d’une société (l’américaine en l’occurrence)

La pros­ti­tuée par exemple n’est plus celle que l’on croit. Émerge devant cette figure celle de l’homme. Et le spec­ta­teur lui-même demeure fas­ciné par le spec­tacle de l’œuvre en ses mul­tiples détails.
Le monde n’est pas devant le regar­deur en repré­sen­ta­tion mais il fomente le spec­tacle d’un autre inté­rieur. Il nous parle d’autres spasmes que ceux escomp­tés et pesés (pour reve­nir à Vermeer).

Surgit le plus pro­fond, le plus caché, le plus sacré : “intima spe­lunca in intimo sacra­rio’ en quelque sorte. On n’est rare­ment allé aussi loin, plus pro­fond dans ce « sanc­tuaire ». D’autant que dans l’appartement cossu de la peseuse des temps anciens comme dans les loges des pros­ti­tués, la femme a sorti des objets intimes, ceux qui collent à sa peau (col­liers, bijoux).
Dans l’ouate rouge et bleu du “bor­del” comme dans celle plus bru­meuse du petit matin sur­git une lumière coule et brûle sans se consu­mer dans les plis et les replis.

Dans chaque oeuvre pré­sen­tée à Bruxelles les étour­dis­se­ments aug­mentent en se suc­cé­dant. Le leurre se retourne : à la fas­ci­na­tion du voyeur semble se sub­sti­tuer celui de la regar­dée. Émerge du sexuel en son ori­gine.
La source qui fait flam­ber le monde est presque allu­mée tel un feu fol­let dans ce lieu ouvert/fermé. Fan­tômes des fan­tômes, ces oeuvres ne cessent de nous hanter.

jean-paul gavard_perret

Ed & Nancy Kien­holz, Gale­rie Tem­plon, Bruxelles, du 13 jan­vier au 5 mars 2022,

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