Fidèle au lyrisme mais qu’il sait couper ou secouer au besoin, Jehan Van Langhenhoven, est homme des révoltes plus que des révolutions car il sait ce que valent les hommes même les réputés “grands”.
C’est pourquoi — en dépit de leurs différences, et entre les lotions de deux révolution (la Française et la Surréaliste) — ses deux derniers livres se ressemblent. Ils prouvent que les plus beaux rêves ne peuvent que se défaire : plus le songe est grand, plus la chute est fatale .
Chargés du seul désir de vie, les insurgés du matin ne rameutent que des effondrements du soir en dépit de quelques bons moments dans la journée. Breton en témoigne : “préconisant une rupture de cordon, n’hésitant pas à se prévaloir de la révolte absolue et de l’insoumission totale”, il finit en notaire dans “le giron de l’humanisme le plus banal, sous prétexte de quelques babils aux accents magnétiques”.
Et ce qui vaut pour lui comme pour la plupart de ses sbires vaut pour les maîtres de la Révolution qui transformèrent les victoires en défaites dans un grand bain de sang.
Poétiquement et politiquement, tout finit dans le cloaque. Sauf pour de rares exceptions (dont Rigaut, Vaché, Péret dans la “révolution surréaliste” dont Van Langhenhoven est l’héritier). D’où la mélancolie érudite et l’humour éruptif de ces deux chants magnifiques où se mêle soudain le “Twist du canotier” des Chaussettes Noires et de Maurice Chevallier.
Et ce, non sans délice pour les amateurs de juke-box et de ces cafés qui disparaissent peu à peu.
Ceux qui ont voulu franchir les frontières de l’acquis — non sans, comme les Surréalistes, tuer dans l’oeuf d’autres mouvements (Dada, Futurisme) qui valaient bien plus que la déroute qu’ils ont organisée — gardent en eux un certain pouvoir de nuire jusqu’à tuer ce qu’ils ont caressé. Jehan Van Langhenhoven — au rendez-vous de certains amis — montre donc ce qui s’est passé.
Poètes et politiciens qui ont lutté contre la dépossession des êtres afin de leur ouvrir des univers neufs et des portes secrètes n’ont offert de l’ivresse que le cachot.
Et ils finissent comme simples créanciers des pouvoirs suceurs de sang. Maximilien et André même combat.
jean-paul gavard-perret
Jehan Van Langhenhoven, Prolégomène au huitième manifeste & Rivolvita !, coll. Poètes des cinq continents, L’Harmattan, Paris, 2022, 54 p. et 64 p. — 9,00 et 10,00 €.