Enki Bilal, Les fantômes du Louvre

Une nou­velle façon d’aborder l’art !

Depuis les années 1970, Enki Bilal construit une œuvre ambi­tieuse com­po­sée d’albums conju­guant recherches gra­phiques et trai­te­ment de graves sujets d’actualité avec, par exemple, Les Pha­langes de l’ordre noir, Par­tie de chasse, sur des scé­na­rii de Pierre Chris­tin, ou, en solo, La Foire aux immor­tels, La Femme piège, Le Som­meil du monstre… Ce créa­teur a, de tout temps, été pas­sionné par l’expression pic­tu­rale, le tra­vail sur toile. Aussi, natu­rel­le­ment, il s’est inté­ressé à d’autres peintres et à leurs tableaux. Puis, il a appré­hendé un pont entre les œuvres d’autres artistes et ses propres ouvrages, ses propres créa­tures, ses propres pré­oc­cu­pa­tions. C’est ainsi qu’est né le concept qui régit le pré­sent album, à savoir un lien entre la repré­sen­ta­tion artis­tique d’un évé­ne­ment et les acteurs qui ont, d’une façon ou d’une autre, par­ti­cipé à cet évé­ne­ment.
Il ima­gine, alors, un musée du Louvre peu­plé de fan­tômes, les fan­tômes de ceux qui ont contri­bué à (ou qui sont immor­ta­li­sés à jamais dans) l’œuvre qui a fait bas­cu­ler leur vie. Ainsi, des femmes, des hommes, voire des enfants, morts sou­vent de façon vio­lente, errent autour de la sym­bo­li­sa­tion du chan­ge­ment de leur exis­tence, pri­son­niers de la trans­po­si­tion pic­tu­rale, sculp­tu­rale ou architecturale.

Enki Bilal a, à sa manière, hanté le Louvre. Il a pris plus de quatre cents cli­chés d’œuvres les plus diverses et n’en a retenu que vingt-deux. Ceux-ci, tirés sur des toiles en grand for­mat, ont servi de sup­port pour réa­li­ser des por­traits à l’acrylique, rehaus­sés au pas­tel, d’autant de fan­tômes. Il accom­pagne chaque créa­tion pic­tu­rale d’une bio­gra­phie détaillée, dans laquelle il donne des infor­ma­tions pré­cises, allant jusqu’à révé­ler, pour cer­tains, leur poids et leur taille de nais­sance. Il explore ainsi des œuvres uni­ver­sel­le­ment connues comme La Vic­toire de Samo­thrace et La Joconde, racon­tant pour la pre­mière la vie d’Aloyisias Ale­vra­tos le sculp­teur et pour la seconde celle d’Antonio Di Aquila, un assis­tant de Léo­nardo Da Vinci. Il a éga­le­ment retenu Tête d’Homme du dépar­te­ment des anti­qui­tés égyp­tiennes avec Ahmôse Chep­se­tet, Por­trait de l’artiste d’Albrecht Dürer avec Melen­co­lia Hrasny, La Grande Gale­rie et Mar­kus Dudke qui s’y est sui­cidé, etc. L’artiste réa­lise une superbe série de por­traits, redon­nant vie, à par­tir d’une œuvre, à ceux qui en ont entouré, à un titre ou à un autre, sa genèse et sa réalisation.

Outre ces sur­pre­nants tableaux, ces bio­gra­phies inédites, inno­vantes, par­fois humo­ris­tiques, ce recueil entrouvre des pages de la petite his­toire noyée dans la grande. Remarquable !

serge per­raud

Enki Bilal (textes, pho­to­gra­phies, des­sins et pein­tures), Les fan­tômes du Louvre, Futu­ro­po­lis et Louvre édi­tions, novembre 2012, 144 p. – 25,00 €.

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