Dans un imbroglio spatio-temporel…
Rodolphe propose un feu d’artifice de décalages, de paradoxes spatio-temporels, plaçant tour à tour ses personnages face à ces phénomènes, les confrontant à d’étranges situations découlant de ces manifestations. Parallèlement, scénariste et dessinateur proposent une planète bien changée par rapport à celle quittée par les passagers du Jupiter et à celle que nous connaissons avec une faune et une flore bien différentes.
Des humains, ayant retrouvé un semblant de vie sociale, sont revenus à un temps où la technologie restait balbutiante quand tous les appareils sophistiqués ont épuisé leur énergie. Cependant, perdure toujours ce besoin d’une certaine croyance, d’une religion et l’Ordre de la Courbe a survécu.
Les naufragés de l’espace sont revenus sur leur planète d’origine, la Terre, une Terre bien différente de celle qu’ils ont quittée. Un accident a séparé Beth et Mandor du reste de l’équipe d’exploration. Ces derniers décident de longer le fleuve pour retrouver leurs deux compagnons. Alors qu’ils dorment, une nuée de gros papillons envahit leur bivouac. C’est en rallumant le feu du bois qu’ils les chassent, bien que ces animaux ne semblaient pas agressifs.
Alors qu’ils traversent une futaie, des fruits éclatent libérant des spores anesthésiantes.
Ailleurs, quelque part, Beth et Mandor émergent du sommeil sous l’impulsion télépathique de ces deux étranges chats qui les accompagnent depuis quelques temps. Ceux-ci ont perçu un danger qui se matérialise sous la forme de chiens au corps mécanique. Les chats les font fuir. Beth et Mandor continue leur progression vers l’épave du Jupiter, une épave qui semble vieille de plusieurs siècles, envahie de végétaux. Ils en apprennent une peu plus de leurs petits compagnons.
Pendant ce temps, le reste de l’équipe se réveille dans des cages de fer pendues dans le vide. Un homme est enfermé depuis des années, mais il dit être le capitaine Edmond Swipt. Il faisait partie de l’équipage du Jupiter…
Rodolphe joue magnifiquement de ces décalages temporels, entremêlant passé et présent, temps récent et époque ancienne, faits et événements dysfonctionnels. Son scénario laisse une large place à l’action dans un cadre de science-fiction. En effet, les événements se bousculent et les révélations fusent, s’entrecroisent dans un récit attractif jusqu’à une chute remarquable qui fait attendre le troisième tome avec impatience.
Une impatience qu’il va falloir tempérer, l’éditeur annonçant sa parution en novembre 2022.
Le graphisme est assuré, et de quelle manière !, par Christophe Dubois. Celui-ci réalise un dessin réaliste pour les personnages, mais imagine des décors innovants, une faune et une flore novatrices. Il propose des vues inaccoutumées, des décors du plus bel effet, n’hésitant pas à prendre des axes de vues peu courants, des perspectives, des plongées, depuis les cages, à donner le vertige.
Un cahier de onze pages intitulé Felinae Mysterium propose des planches superbes d’un peintre animalier W. Stuyvesan qui a travaillé pour le Pr. J.K. Robinson.
Cette série mobilise l’attention depuis les premières pages du premier album. Mais le duo d’auteurs, avec ce tome, se surpasse tant pour une intrigue captivante que pour un graphisme qui enchante le regard.
serge perraud
Rodolphe (scénario) & Christophe Dubois (dessin et couleur), Terre — t.02 : Retour au Jupiter, Éditions Daniel Maghen, novembre 2021, 72 p. – 16,00 €.