Une fabuleuse somme de créations…
Si le nom de Jean-Claude Mézières évoque immédiatement la saga de Valérian et Laureline, rien ne le destinait à révolutionner la bande dessinée de Science-fiction. En effet, si dès son plus jeune âge il est passionné par les Illustrés tels Tintin et Spirou, il aime dessiner au sein d’une famille où l’art graphique est pratiqué en amateur. Cependant, il fait des études d’Arts Appliqués dans la section Tissus et papiers peints.
Dans les années 1950, le domaine des Illustrés (Le terme de bande dessinée ne sera employé que bien plus tard), est au mieux ignoré quand il n’est pas méprisé par les écoles d’arts. C’est là qu’il va fréquenter Jean Giraud, Pat Mallet…
Il fait ses premières armes, dès 1955, chez Fleurus, une maison qui publie Cœurs Vaillants, Fripounet et Marisette, Âmes Vaillantes. Il collabore à ces revues jusqu’en 1958. Il passe alors trente mois sous les drapeaux, dont douze dans l’Algérie en conflit. Il revient à l’illustration, mène diverses expériences chez Hachette, en tant que salarié, puis comme dessinateur indépendant. Il est fasciné par l’Amérique, par le Far West et ses Cowboys qu’il dessine comme son ami Giraud qui fait les planches de Blueberry pour Pilote.
Il fait un séjour prolongé aux États-Unis où il retrouve Pierre Christin, un ami d’enfance, qui est chargé de cours sur le Surréalisme et sur la Nouvelle vague à l’université de à Salt Lake City.
De retour en France, Christin et Mézières collaborent à Pilote. Ils décident d’imaginer leurs propres histoires et d’inventer leurs propres personnages. Ils retiennent la Science-fiction car elle est peu présente dans la bande dessinée. Toutefois, Jean-Claude s’était essayé au genre pour Fripounet et Marisette avec une planche sur un scénario de Jean-Marie Pélaprat : Expédition Noachis, dessinée par un certain J.M. Mezi, sa première signature.
C’est le 9 novembre 1967 que Valerian, un agent spatio-temporel, débute sa carrière dans Pilote. L’action de Valérian contre les Mauvais Rêves se déroule en 2720. Mais Jean-Claude Mézières manque cruellement de sources pour dessiner les décors futuristes. Il est contraint à laisser libre cours à son imagination et à sa fantaisie, même si une large part de l’intrigue se déroule au Moyen Âge. Le personnage masculin est vite campé. Il hésite beaucoup sur Laureline estimant qu’il est bien plus difficile de dessiner une jolie femme qu’un homme. Mais, lorsqu’il se lance, le résultat est superbe. Et c’était parti pour trente-deux aventures.
Cependant, l’activité de création de Jean-Claude Mézières ne se borne pas à cette saga. Il travaille pour le cinéma, particulièrement sur Le Cinquième Élément (dénommé encore Zaltman Bléros) de Luc Besson, fait des affiches… Dans ce volume, très étoffé, très documenté, chaque image est accompagnée d’un texte nourri par des réflexions du dessinateur, par des indications extraites d’entretiens inédits réalisés en 2020 et 2021 entre Jean-Claude Mézières et Christophe Quillien.
L’Art de Mézières présente un beau panorama de l’œuvre. C’est une redécouverte ou découverte d’un univers flamboyant avec nombre de dessins, illustrations depuis ses débuts, quand il était inspiré par Hergé et Franquin, les premières planches de jeunesse jusqu’aux travaux et illustrations très récentes.
serge perraud
Jean-Claude Mézières (auteur), Christophe Quillien (texte), L’Art de Mézières, Dargaud, septembre 2021, 240 p. – 39,00 €.